SantExpo 2023 | « La France, terre d’accueil de la recherche clinique ? »
« Nous sommes confrontés à un double enjeu pour les essais cliniques », annonce Ariane Galaup-Paci, directrice recherche clinique du Leem. D’un côté, l’Europe doit se positionner dans le monde face à des États-Unis dominants et une Asie montante. De l’autre, la France doit occuper une place de choix en Europe, face à des compétiteurs tels que l’Allemagne ou l’Espagne. Aujourd’hui, la France participe à 13% des essais cliniques réalisés dans le monde.
Un recrutement difficile
On l’aura compris, l’objectif est de rendre la France plus attractive pour les essais cliniques. Comment faire ? Les autorités ont réalisé beaucoup d’efforts pour réduire les délais de démarrage des essais cliniques et c’est un bon point mais il reste encore des leviers. « Le Leem a identifié des points de blocage : l’arrivée des nouvelles méthodologies d’essais cliniques qui requiert une conduite du changement auprès de tous les acteurs, mais aussi le recrutement des patients qui reste une étape très limitante encore aujourd’hui », poursuit Ariane Galaup-Paci.
Les patients, comme les professionnels de santé, sont confrontés à la difficulté de trouver des essais cliniques. Et les inégalités territoriales en sont exacerbées, les patients fréquentant les centres plus périphériques étant lésés. C’est l’une des missions de la toute nouvelle Agence de l’innovation en santé (AIS) qui a mis en place un groupe de coordination sur le pilotage de la recherche clinique. « L’objectif est d’avoir une base nationale des essais cliniques qui permette d’identifier le plus rapidement possible les patients qui peuvent être inclus », explique Lise Alter, directrice générale de l’Agence.
La donnée, pièce maîtresse
Face aux difficultés de recrutement, d’autres s’organisent également. Arnaud Bayle, oncologue à l’Institut Gustave-Roussy, a co-fondé la start-up Klineo avec deux ingénieurs. « Notre but est de créer un outil pour faciliter le recrutement des patients dans les essais cliniques, en structurant et en analysant les données. Nous avons commencé par le cancer du sein triple négatif, avec le collectif Triplettes Roses ». Car en cancérologie, les innovations sont rapides et la médecine est de plus en plus personnalisée avec des critères d’inclusion dans les essais cliniques de plus en plus précis. La start-up prévoit ensuite d’étendre son outil à d’autres cancers, puis à d’autres types de pathologies, à chaque fois en lien avec les associations pour avoir une plateforme pertinente. « À peine 5 % des patients atteints de cancer sont inclus dans des essais cliniques, car c’est actuellement trop compliqué, ajoute Arnaud Bayle. « Dans les maladies graves sans alternative thérapeutique, la recherche clinique doit être un réflexe ». En effet, elle constitue la première voie d’accès des patients aux innovations. Et si le recrutement des patients dans les essais cliniques se déroule bien en France, ce sera bien sûr un point d’attractivité évident.
Sauf que pour simplifier le recours aux essais cliniques, la multiplication des bases de données pourraient être un frein. La base de l’AIS a vocation à être interministérielle et accueillir des modules pour collaborer avec d’autres acteurs. « Cette plateforme publique a un enjeu d’exhaustivité. La nôtre est une sorte de brique en cancérologie », précise Arnaud Bayle.
Quoi qu’il en soit, la clef de voûte reste la data. Pour Arnaud Bayle, « l’enjeu est de faire remonter la donnée par les professionnels, en plus de leur travail. Tout ce qui permettra de faciliter sa collecte et son exploitation permettra de faire avancer la recherche ». Un préalable indispensable à l’accès au progrès thérapeutique.