Recherche et développement
Un processus indispensable à l’innovation
Depuis près de deux siècles, les médicaments génèrent des progrès thérapeutiques continus.
Ce chemin est jalonné par des innovations majeures, qui soignent et guérissent des maladies jusqu’alors incurables, et par des avancées régulières, qui permettent au médicament de gagner en efficacité, en simplicité d’utilisation ou en sécurité.
Ces innovations ont des effets au-delà du bénéfice clinique qu’elles apportent aux patients. Aujourd’hui, elles permettent d’améliorer la qualité de vie des malades, de rendre plus efficiente l’organisation des soins ou de générer des économies pour les systèmes de santé.
Les avancées permises par les innovations pharmaceutiques transforment le monde qui nous entoure.
Les efforts de l’industrie pharmaceutique pour produire des médicaments sauvant des vies ou améliorant considérablement la qualité de vie implique un environnement de recherche et développement (R&D) incroyablement complexe et lourd en capital, encadré par une réglementation exigeante qui vise à garantir la sécurité et démontrer l’efficacité de ces médicaments.
Une fois un médicament arrivé sur le marché, les laboratoires cherchent à valoriser les investissements réalisés pour développer cette nouvelle technologie de santé et permettre d’investir dans le développement de nouvelles approches, mais le retour sur ces investissements devient de plus en plus difficile.
L’industrie pharmaceutique est sous une pression croissante pour démontrer la valeur de ses produits, car les nouveaux médicaments ciblent des populations de patients plus restreintes et sont plus coûteux à développer.
La recherche et le développement constituent le fondement essentiel à l’émergence de nouvelles innovations
Les étapes clés des phases d’évaluation et de développement permettent de vérifier l’efficacité de la molécule et d’en connaître les éventuels effets secondaires. De nombreux candidats médicaments sont ainsi écartés, car ils ne présentent pas un rapport bénéfice/risque positif.
Les études précliniques et les essais cliniques sur l’homme sont les deux étapes scientifiques conduites par l’entreprise pour développer un médicament. Ces études sont déclarées auprès des institutions sanitaires compétentes, qui contrôleront l’efficacité et la sécurité du médicament.
Les études précliniques
Le candidat médicament traverse tout d’abord une série de tests dits « précliniques ». Ces essais sont des passages obligés avant toute étape de test sur l’homme.
• La pharmacologie expérimentale : des essais d’efficacité sont réalisés sur des systèmes moléculaires inertes, sur des cellules et cultures et, enfin, sur des modèles animaux. C’est la première preuve de concept.
• La toxicologie : ces études évaluent les risques d’effets secondaires des futurs médicaments.
• La pharmacocinétique et le métabolisme du médicament : ces études portent sur des propriétés pharmaceutiques de la molécule telles que l’absorption, le métabolisme, la distribution et l’élimination.
Mais elles ont aussi pour but de prouver les propriétés pharmacologiques. Si les résultats de ces études sont positifs, le médicament entre en phase d’essai clinique sur l’homme.
Le principe des 3R pour une approche éthique de l'utilisation des animaux dans la recherche scientifique Le principe des 3R vise à diminuer le nombre d’animaux utilisés à des fins de recherche en : |
Les essais cliniques
Seul 1 médicament sur 10 candidats atteindra ce stade. Ces études se font en trois phases principales, qui doivent se dérouler selon les bonnes pratiques cliniques.
Elles sont réalisées en milieu hospitalier ou en cabinet médical, sous la responsabilité de médecins experts : les investigateurs.
PHASE 1 : TOLÉRANCE OU INNOCUITÉ
Des quantités croissantes de la nouvelle molécule sont administrées à des volontaires sains, sous surveillance étroite. Cette phase permet d’évaluer les grandes lignes du profil de tolérance du produit et de son activité pharmacologique.
PHASE 2 : EFFICACITÉ DU PRODUIT SUR DE PETITES POPULATIONS ET RECHERCHE DE DOSE
Cette phase se déroule chez un petit nombre de patients hospitalisés. Il s’agit, ici, de définir la dose optimale, c’est-à-dire celle pour laquelle l’effet thérapeutique est le meilleur avec le moins d’effets secondaires. Les études de preuve du concept servent à valider une nouvelle hypothèse de traitement chez le patient.
PHASE 3 : ÉTUDES « PIVOTS »
Dans des conditions aussi proches que possible des conditions habituelles d’utilisation des traitements, l’efficacité et la sécurité sont étudiées de façon comparative au traitement de référence ou à un placebo. Cela est vérifié sur un grand groupe de malades.
Précautions d’emploi et risques d’interaction avec d’autres produits sont identifiés. Les essais peuvent couvrir de plusieurs centaines à plusieurs milliers de patients.
Ces trois étapes, quand elles sont franchies avec succès, vont être intégrées dans le dossier qui sera présenté aux autorités sanitaires pour recevoir, avec l’approbation officielle, l’autorisation de mise sur le marché. Le médicament sera ensuite mis à disposition des malades. Seuls les médicaments « originaux » traversent ces longues étapes.
La version « générique » d’un médicament est une copie de la molécule d’origine. Elle ne repasse pas ce long cycle d’essais.
L’innovation : recherche d’un équilibre entre sécurité et rapidité d’accès pour les patients
L’évolution des médicaments, notamment les médicaments de thérapies innovantes basées sur le vivant ou certains traitements d’oncologie, transforme la dynamique des essais cliniques. Ces avancées médicales suscitent une grande attente chez les patients, considérant qu’elles représentent de véritables solutions thérapeutiques.
Ainsi, pour certaines innovations, l’accès au marché se réalise simultanément avec les essais de phase 2 (voire de phase 1), lesquels deviennent des essais pivots, jouant un rôle central dans la demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Cette accélération du processus d’essai clinique s’effectue tout en respectant rigoureusement les impératifs de sécurité inhérents au médicament. L’enjeu majeur réside donc dans la recherche d’un équilibre optimal entre des essais suffisants pour assurer la sécurité du médicament et la rapidité d’accès à ces innovations pour les
patients.
La pharmacovigilance
La sécurité du médicament est une préoccupation permanente des entreprises du médicament. Une fois le médicament dispensé aux malades, la pharmacovigilance l’accompagne pendant toute son existence et sera aussi l’objet de procédures rigoureuses. Tout accident de santé lié à la prise de médicaments est signalé dans un délai obligatoire aux instances réglementaires.
Les entreprises remettent également un rapport sur le suivi du médicament tous les six mois, pendant les deux premières années de la vie du produit, puis tous les ans, pendant les trois années suivantes, et enfin tous les cinq ans, tant que ce dernier est commercialisé.
La protection de l’innovation
Le brevet, essentiel au financement de la recherche, permet de protéger l’innovation pendant vingt ans. Il peut être prolongé pour une durée maximale de cinq ans par un certificat complémentaire de protection (CCP).
Le brevet débute dès que la molécule est identifiée. Celle-ci va ensuite subir des séries de tests précliniques et cliniques, qui s’étendent sur une dizaine d’années. Il lui restera encore à passer les étapes de l’autorisation de mise sur le marché, de l’évaluation par la commission de la transparence et de la fixation du prix du médicament lors des négociations avec le Comité économique des produits de santé (CEPS).
Compte tenu de la complexité de ce processus, l’innovation ne bénéficie d’une protection commerciale effective que de dix ans en moyenne. De surcroît, un produit nouveau ne rejoint que progressivement (en deux ou trois ans) sa population cible thérapeutique, alors qu’au terme du brevet ou de la protection des données, l’arrivée des génériques est devenue très rapide.
Les tendances mondiales de R&D en 2023
En 2022, au niveau mondial, le pipeline de molécules en phase 1 est resté stable, avec 6 147 produits en développement. Il a connu une croissance de 2 % au cours des deux dernières années et de 49 % depuis 2017.
Cette croissance plus lente depuis 2020 s’explique probablement par les perturbations induites par la pandémie de Covid-19.
L’oncologie conserve sa position centrale dans le pipeline, représentant 38 %, soit 2 331 produits, avec une croissance annuelle composée (CAGR) de 10,5 % au cours des cinq dernières années d’après IQVIA.
Bien que les aires thérapeutiques prédominantes en recherche aient peu évolué au cours des dix dernières années, la typologie des entreprises contribuant à la R&D a subi des changements, témoignant ainsi de la mutation des modèles économiques dans le secteur pharmaceutique.
Selon IQVIA, le nombre d’entreprises biopharmaceutiques émergentes (Emerging biopharma ou EBP), dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 500 millions de dollars et les dépenses de R&D représentent moins de 200 millions de dollars par an, continue d’augmenter. En revanche, les grandes entreprises pharmaceutiques, celles réalisant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 10 milliards de dollars, représentent une part de plus en plus réduite du pipeline de R&D.
Alors qu’en 2022 ces EBP n’étaient responsables que d’un tiers des innovations, elles sont désormais à l’origine des deux tiers du pipeline de R&D, soulignant ainsi l’importance croissante de ces entreprises.
Les grands groupes pharmaceutiques maintiennent leur activité, leur part dans les innovations demeurant stable depuis 2017.
Cependant, ils font face à l’émergence de nombreuses entreprises biopharmaceutiques, dont le nombre a augmenté de 26 % au cours de la même période.
L’attractivité de la France pour la recherche clinique
Les entreprises du médicament sont engagées pour la recherche clinique en France
Indispensables pour un accès précoce des patients aux innovations, les essais cliniques permettent également de maintenir l’expertise des professionnels de santé et l’excellence du pays en matière de recherche.
Chaque année, le Leem publie un état des lieux pour connaître la position de la France dans la compétition internationale qui s’exerce en matière de recherche clinique.
Les entreprises pharmaceutiques engagées dans la recherche clinique en France jouent un rôle crucial en assurant la promotion de la grande majorité des essais portant sur le médicament. Elles ont lancé 507 nouveaux essais dans le pays, soit 70 % du total de l’activité, impliquant 224 entreprises promotrices. Les vingt plus gros laboratoires au monde en termes de chiffre d’affaires sont à l’origine de 52 % de ces essais.
La portée mondiale de ces essais est prégnante : 94 % d’entre eux ont une dimension internationale, soulignant la présence de la France dans les développements de grande ampleur.
La compétitivité de la France au sein d’une Europe, elle-même distancée à l’échelle mondiale
Au sein de l’Union européenne, l’Espagne se distingue particulièrement, tandis que la France se maintient à la troisième place avec une activité comparable à celle de l’Allemagne, du Royaume-Uni et de l’Italie, contribuant à environ 50 % des nouveaux essais européens.
En détail, l’Espagne domine dans toutes les phases d’essais ainsi qu’en cancérologie et dans les maladies du système nerveux central. La France se positionne solidement à la deuxième place dans le domaine de la cancérologie, sauf pour les phases 1 et 2.
L’Europe se situe au troisième rang mondial, derrière l’Asie et l’Amérique. Les développements cliniques multinationaux se développent essentiellement sur les territoires américains (80 %) et européen (77 %).
Toutefois, les essais de phases 1 et 2, ainsi que ceux en cancérologie et maladies du système nerveux central, sont nettement plus présents en Amérique qu’en Europe.
Cet écart de compétitivité entre l’Amérique et l’Europe devrait se creuser en raison des multiples évolutions réglementaires européennes récentes (sur les essais cliniques et sur le diagnostic in vitro notamment).
Ce phénomène risque d’accentuer la mise en place de stratégies d’évitement de la zone euro en faveur du Royaume-Uni, de la Corée du Sud, de Canada ou de l’Australie.
Le progrès thérapeutique en 2022
En 2022, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a reçu au total 100 demandes d’autorisation de mise sur le marché (AMM) et a recommandé des AMM pour 89 médicaments (versus 92 en 2021), dont 41 concernaient de nouvelles substances actives (SA) jamais autorisées en Europe (versus 54 en 2021). Les maladies rares, l’hémato-oncologie et les maladies de système nerveux sont les aires thérapeutiques les plus représentées parmi ces demandes d’AMM.
Un fragile équilibre entre investissement et rendement
Après la commercialisation d’un médicament, les laboratoires s’efforcent de rentabiliser les investissements consentis pour mettre au point cette nouvelle technologie de santé. Ces profits sont les ressources nécessaires pour financer la recherche d’aujourd’hui et permettre l’arrivée d’innovations demain. Néanmoins, le rendement de ces investissements devient de plus en plus complexe à réaliser.
En 2022, les 20 plus grandes entreprises pharmaceutiques mondiales ont investi environ 139 milliards de dollars en recherche et développement. Un chiffre en recul de 2 % par rapport à 2021.
Le coût de la recherche et du développement d’un médicament n’a cessé d’augmenter. Alors qu’on estimait en 2012 à 900 millions de dollars l’investissement nécessaire à la mise au point d’une nouvelle molécule, les coûts moyens de développement d’un nouveau médicament ont atteint 2,3 milliards de dollars en 2022 selon une étude menée par le cabinet Deloitte.
Cette dynamique s’explique par l’allongement du temps nécessaire au développement des nouveaux médicaments depuis plusieurs années. Du lancement des études cliniques à l’autorisation de mise sur le marché, il s’écoulait 6,9 années en 2021. Il faut compter 7,1 années en 2022 d’après l’étude.
Cette augmentation des coûts de R&D érode la rentabilité des nouveaux médicaments. La moyenne des pics de chiffre d’affaires prévisionnels par substance active a diminué, passant de 500 millions de dollars en 2021 à 389 millions de dollars en 2022.
Les rendements de la R&D sont revenus à la tendance baissière observée avant la pandémie. Le retour moyen sur investissement (ROI) a chuté à 1,2 %, la plus faible valeur enregistrée par Deloitte depuis le début de l’étude, en 2010.
L’essentiel
507
Nombre d'essais cliniques réalisés en France en 2022.
3ème
Rang européen de la France en nombre d'essais cliniques multinationaux (hors volontaires sains).
L'oncologie
est la principale aire thérapeutique en R&D à l'échelle mondiale et française.
2,3 milliards de dollars
Coût moyen de R&D pour un nouveau médicament en 2022.
1,2 %
Retour moyen sur investissement (ROI) de la R&D en 2022.
7,1 ans
Temps écoulé entre le lancement des études cliniques et l'autorisation de mise sur le marché.