Médicaments et progrès thérapeutique : garantir l’accès, maîtriser les prix
Huit organisations et associations de patients ont publié le 20 juin 2018 un livre blanc sur le thème « Médicaments et progrès thérapeutique : garantir l’accès, maîtriser les prix », faisant référence aux innovations médicamenteuses.
Sans surprise, ces organisations et associations n’apportent aucun élément nouveau.
Si le Leem partage l’analyse sur l’enjeu que constitue aujourd’hui l’accès des patients aux innovations médicamenteuses, il déplore une erreur de diagnostic. La question du prix de l’innovation n’a pas été jusqu’à présent un obstacle à l’accès aux innovations pour les patients.
Les chiffres sont là pour le démontrer :
1. Le chiffre d’affaires net régulé de l’industrie pharmaceutique en 2017 (23 Md€) est au même niveau qu’en 2009 et ce, malgré l’accroissement des pathologies chroniques, le vieillissement de la population et le retour massif des innovations médicamenteuses (traitements de l’hépatite C, immunothérapies en oncologie avec les anti-PD1, les Car T Cells…).
2. Le médicament est aujourd’hui le poste le mieux maîtrisé de l’Ondam. Ces trois dernières années, sur les 10 milliards d’euros d’économies réalisés par le gouvernement (plan triennal de l’Ondam 2015 - 2017), 5 milliards d’euros viennent des contributions des industriels du médicament.
3. Les prix des médicaments en France sont parmi les plus bas des grands marchés européens. Les résultats d’une étude du CEPS, publiés dans son rapport d’activité 2014 – 2015, montrent que les prix français sont, dans la moitié des cas, inférieurs aux plus bas prix européens. Et pour 93 % des produits, ils sont inférieurs à la moyenne des cinq pays.
4. Le prix des médicaments innovants ne menace pas le budget de l’Assurance maladie. Aucun élément probant ne permet de penser qu’à l’avenir il existe une menace sur l’accès aux traitements innovants comme le démontre une étude (1) réalisée en mai 2018 par le Leem et HEVA sur l’évolution du prix et du coût des traitements anti-cancéreux.
Loin des chiffres annoncés par les rapports précédents, cette étude, publiée sur le site de l’Académie de médecine, rétablit les faits. Ainsi, le prix moyen d’un traitement anti-cancéreux de la liste en sus entre 2010 et 2016 s’établit à 12 318 euros par an et par patient, et reste stable pendant toute la période étudiée.
Rappelons juste, à titre de comparaison, que le coût global d’une greffe rénale peut aller jusqu’à 29 000 euros et que celui d’une chirurgie de remplacement valvulaire varie entre 21 000 et 30 000 euros (2) .
Alors que se dessinent de grandes réformes structurelles de notre système de soins (comme le souligne le dernier rapport du HCAAM), le Leem rappelle que les produits de santé, et en particulier les médicaments, soignent, guérissent et transforment profondément le pronostic des pathologies les plus lourdes.
Loin d’être uniquement un poste de dépenses, le médicament est également un générateur de gains d’efficience dans l’organisation des soins et un investissement dans l’économie de la connaissance.
Pourvoyeur d’innovations thérapeutiques au travers de ses adhérents, le Leem est conscient de la difficulté croissante de l’accès des patients aux traitements innovants en France.
A l’instar du constat dressé par la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) du Sénat sur l'accès précoce à l'innovation en matière de produits de santé, le Leem tient à rappeler que ces difficultés d’accès ont des origines bien différentes des problématiques liées aux prix.
Une preuve supplémentaire que les retards d’accès aux médicaments ne sont pas liés aux prix, ces médicaments sont accessibles chez nos voisins européens dans un délai acceptable.
Les vraies raisons de la dégradation de l’accès aux traitements innovants
1. La France a été incluse en 2016 dans 26 % des études cliniques européennes contre 31 % en 2015, confirmant l’affaiblissement de la place de la France dans la recherche clinique qui permet aux patients de bénéficier des traitements les plus innovants. Ce chiffre est sans appel : la France est de moins en moins attractive pour mener des essais cliniques de nouveaux médicaments.
2. Notre pays détient aujourd’hui l’un des délais d’accès les plus longs d’Europe : 530 jours en moyenne entre l’AMM et la décision de prix contre 106 jours pour l’Allemagne ou 111 pour le Royaume-Uni ! Ceci alors même que la Directive européenne en vigueur prévoit un délai maximum de 180 jours. Ce délai atteint même les 630 jours pour les anticancéreux.
3. Les médicaments ayant bénéficié d’une ATU ont été disponibles pour les patients 210 jours avant l’AMM (c’est-à-dire 318 jours avant l’Allemagne et le Royaume-Uni) mais ils ne l’ont été que pour seulement 10 % de la population concernée ! Accueillir l’innovation, c’est avant tout en faciliter son usage par les patients.
4. La France peine à attirer la production des médicaments innovants : sur les 91 médicaments autorisés en Europe en 2017, seuls 6 sont produits en France contre 16 au Royaume-Uni, 15 en Allemagne et 12 en Irlande. Les patients sont les premières victimes de ce décrochage.
L’appel des associations de patients permet au Leem de rappeler, une nouvelle fois, que nos industries sont des gisements d’innovations au service des patients et d’efficience pour notre système de santé. Leur développement constitue un enjeu majeur d’indépendance stratégique, économique et sanitaire.
Ne nous trompons pas de combat. Le vrai combat, c’est celui de l’attractivité du territoire, du développement de la recherche et de la production, de la réforme de l’organisation de notre système de soins et de la meilleure prise en charge des patients.
Loin des polémiques stériles, le Leem partage la préoccupation des associations de patients sur les difficultés d’accès en France aux innovations médicamenteuses mais a toujours préféré le débat à l’invective. Le Leem reste à l’écoute des associations de patients et mettra tout en œuvre pour que le dialogue puisse être rapidement renoué sur des bases plus sereines, dans un esprit de co-construction avec un objectif commun : garantir à chaque citoyen français un accès précoce aux innovations thérapeutiques.
Quoiqu’il arrive, le médicament reste et restera le meilleur allié de toutes celles et ceux qui se battent contre la maladie.
(2) Source ATIH -Tarifs MCO et HAD au 1er mars 2018