La Semaine européenne de la vaccination démarre aujourd'hui
De quoi parle-t-on ?
Le principe de la vaccination consiste à exposer l'individu à une forme atténuée de la maladie pour le protéger d'une forme beaucoup plus virulente.
Plusieurs vaccins dits "vivants atténués" ont été mis au pont contre la rougeole, la rubéole, les oreillons, la fièvre jaune ou la tuberculose.
Atténuer la virulence n'est pas toujours possible.
D'autres méthodes sont alors utilisées : certains agents infectieux peuvent être tués par un traitement chimique ou la chaleur, mais restent capables de provoquer une réponse du système immunitaire. Ce sont les vaccins inactivés. Dans d'autres cas, seule une petite partie de l'agent infectieux est utilisée.
Ce sont les vaccins sous-unitaires, contenant une quantité suffisante de fragments de microbes purifiés pour que le système immunitaire apprenne à reconnaître le germe entier.
Quel que soit le type de vaccin, la vaccination (en prévention) consiste, à l'aide de l'agent infectieux atténué, inactivé ou à l'aide de composants de cet agent, à déclencher une réaction immunitaire, qui protège d'une infection ultérieure.
Le système immunitaire est capable de reconnaître l'agent pathogène des mois et des années après la vaccination et d'activer des cellules mémoires pour produire des anticorps spécifiques, des cellules tueuses et un ensemble de médiateurs chimiques bloquant l'infection.
Plus de 50 vaccins ou conjugaisons de vaccins sont aujourd'hui à la disposition de la population française, résultat de 200 ans de recherche. Ils permettent de prévenir 29 maladies infectieuses.
Le vaccin constitue donc l'un des investissements les plus rentables dans le domaine de la santé publique.
Ce qui se profile d'ici 2030
Une amélioration des vaccins existants. De nombreuses recherches sont en cours pour améliorer le vaccin contre la grippe afin de gérer au mieux les variabilités du virus. En effet, le virus de la grippe possède la capacité de muter facilement.
La grippe saisonnière est une infection virale aiguë provoquée par un virus grippal. Il existe trois types de grippe saisonnière - A, B et C.
Les virus grippaux de type A se subdivisent en sous-types en fonction des différentes sortes et associations de protéines de surface du virus. Parmi les nombreux sous-types des virus grippaux A, les sous-types A (H1N1) et A (H3N2) circulent actuellement chez l'homme. Tandis que B et C sont relativement stables, le virus A évolue sans cesse selon deux mécanismes principaux : le glissement antigénique et la cassure.
• Le glissement antigénique : des mutations de gènes codant pour des protéines de surface provoquent des modifications mineures du virus.
Le nouveau variant reste très proche du précédent, si bien que l'immunité conférée par une grippe contractée précédemment protégera contre le nouveau variant. Cependant, l'accumulation de ces modifications entraîne une différence antigénique, qui aboutit à une moindre reconnaissance du nouveau virus par les systèmes immunitaires ayant rencontré ces virus dans le passé. Ce phénomène impose le changement des souches vaccinales régulièrement.
• La cassure : des changements radicaux des protéines antigéniques du virus, avec le remplacement d'une protéine par une autre, donnent naissance à un nouveau virus, totalement différent de celui qui circulait jusque-là. L'immunité préexistante ne protège pas et un vaccin préparé avec les souches précédentes est inefficace.
Les nouveaux vaccins contre la grippe proposeront une protection plus longue contre le virus (deux ou trois ans) et seront plus adaptés à la constante variabilité du virus.
De nouveaux vaccins préventifs
En plus d'un vaccin plus efficace contre la grippe, contre le pneumocoque et contre les méningites à méningocoque, cinq nouveaux vaccins préventifs devraient voir le jour dans une période comprise entre cinq et dix ans.
Des vaccins "thérapeutiques" contre le cancer ou la maladie d'Alzheimer
Ces vaccins en sont aux toutes premières phases de la recherche. Ils ne sont pas destinés à empêcher la survenue d'une infection, mais à traiter un individu déjà malade en stimulant son système immunitaire. De tels vaccins sont à l'étude pour traiter des infections chroniques comme le sida ou l'hépatite B, mais aussi des maladies auto-immunes, des démences ou des cancers. Il existe, en effet, à la surface des cellules cancéreuses des "antigènes tumoraux" absents des cellules saines, pouvant être utilisés pour diriger le système immunitaire contre la tumeur afin de la détruire.
Une meilleure utilisation des vaccins et une extension de la couverture vaccinale
La vaccination permet d'éviter la morbidité, les incapacités et la mortalité causées par les maladies à prévention vaccinale, comme la diphtérie, la rougeole, la coqueluche, la pneumonie, la poliomyélite, le cancer du col de l'utérus, l'hépatite B, la diarrhée à rotavirus, la rubéole et le tétanos.
Or, selon l'OMS, la couverture mondiale de la vaccination (proportion des enfants dans le monde à qui on administre les vaccins recommandés) s'est maintenue à 86 % en 2016, sans amélioration notable au cours de l'année passée.
Les vaccins ne sont pas suffisamment utilisés : toujours selon l'OMS, en 2016, 19,5 millions de nourrissons dans le monde n'étaient pas couverts par les services de vaccination systématique, comme l'administration de trois doses de DTC (DTC3). Environ 60 % de ces enfants vivent dans dix pays : Angola, Ethiopie, Inde, Indonésie, Irak, Nigeria, Pakistan, Philippines, République démocratique du Congo et Ukraine.
Ce qui est en cours
Une concentration du secteur des vaccins
En 1960, on comptait environ une vingtaine d'entreprises dans le secteur du vaccin. Aujourd'hui, ce dernier se concentre en un petit nombre de compagnies multinationales seules aptes à pouvoir chercher, développer et diffuser les vaccins.
La démonstration de l'importance des vaccins dans la prévention des maladies
Lorsqu'un vaccin contre une maladie infectieuse est mis en circulation et que les taux de couverture vaccinale augmentent, le nombre de personnes touchées par la maladie baisse considérablement.
A l'inverse, lorsque la couverture vaccinale diminue, on assiste à une réapparition de la maladie. Si la priorité n'est pas donnée à la vaccination, l'Europe risque de voir resurgir et se propager des maladies très contagieuses comme la poliomyélite, la rougeole ou la diphtérie.
La vaccination protège, de plus, ceux qui ne sont pas vaccinés en prévenant la propagation de certaines maladies infectieuses. Lorsqu'un nombre suffisant de personnes est vacciné dans une population déterminée, les maladies ne peuvent s'y répandre. Dans le cas de la rougeole, qui est une maladie très contagieuse, un tel résultat ne peut être obtenu que si un pourcentage important de la population (> 95 %) est vacciné. Le nombre de vies sauvées est proportionnel au nombre de personnes vaccinées.
Selon l'OMS, la vaccination évite les décès et les invalidités, tout en coûtant beaucoup moins cher que le traitement, pour le bien de l'individu et de l'ensemble de la société. Des politiques de santé efficaces, de même que leur financement, doivent être considérées comme un investissement et non une dépense.
La santé renforce l'économie, tandis que la maladie l'affaiblit.
Un projet pour aider à cette démonstration : le projet européen ADVANCE, issu de l'Initiative pour des médicaments innovants (IMI), regroupe des partenaires publics (Centre européen de prévention des maladies, Agence européenne du médicament, agences nationales) et privés (entreprises du vaccin, chercheurs académiques) pour développer les méthodes et des tests nécessaires à la constitution d'une structure capable de livrer rapidement des data fiables sur les bénéfices et les risques des vaccins disponibles.
Cette structure devrait permettre aux autorités de régulation et de contrôle de la santé publique de prendre les bonnes décisions et de mettre en place les stratégies à même de regagner la confiance de la population européenne dans la vaccination, et d'utiliser les vaccins comme des outils sûrs et efficaces contre les maladies infectieuses.
La reconnaissance du rôle du vaccin dans la lutte contre l'antibiorésistance
La recrudescence mondiale des maladies dues à des bactéries résistantes, à cause de l'usage excessif ou à mauvais escient des antibiotiques, est un enjeu majeur de santé publique. En effet, les infections résistantes sont plus difficiles et coûteuses à traiter et sont parfois inguérissables.
La vaccination de l'homme et de l'animal est un moyen très efficace d'éviter les infections, et donc de devoir recourir aux antibiotiques. Les vaccins peuvent ainsi contribuer à limiter la propagation de la résistance aux antibiotiques. En étendant l'utilisation des vaccins existants, on peut réduire la consommation d'antibiotiques et le développement de la résistance.
Exemple :
Si chaque enfant dans le monde était protégé contre l'infection à Streptococcus pneumoniae (une bactérie pouvant provoquer la pneumonie, la méningite et des infections de l'oreille moyenne), on éviterait, selon les estimations, 11 millions de journées de traitement antibiotique par an. Les vaccins contre les virus, comme le virus grippal, ont aussi leur rôle à jouer, car les malades prennent souvent inutilement des antibiotiques lorsqu'ils présentent des symptômes grippaux, comme de la fièvre, qui peuvent être dus à un virus.
La mise au point et l'utilisation de nouveaux vaccins pour éviter les maladies bactériennes pourraient réduire davantage le développement des résistances. Nous avons aussi besoin de vaccins pour éviter de contracter des maladies causées par des bactéries, qui sont désormais fréquemment résistantes aux antibiotiques.
On observe une propagation alarmante de la tuberculose multirésistante (tuberculose-MR).
En 2015, selon les estimations, 480 000 personnes en étaient atteintes. De même, de nouveaux vaccins ciblant le staphylocoque doré ou Staphylococcus aureus (qui provoque des infections de la peau et des tissus mous), le Klebsiella pneumoniae (à l'origine de pneumonies, d'infections sanguines et d'infections des voies urinaires), le Clostridium difficile (responsable d'affections diarrhéiques) et de nombreux autres agents pathogènes pourraient conférer une protection contre des maladies de plus en plus difficiles à traiter.
Ce qu'il faut dépasser
Relever le défi de la complexité
La mise au point de nouveaux vaccins et leur utilisation de manière appropriée dépendent d'un processus long et complexe.
Il a fallu par exemple près de vingt-cinq ans pour mettre au point un vaccin contre la dengue. En effet, la première grande étape de la recherche vaccinale - la recherche pure, quand on démarre de zéro et qu'il faut élaborer un candidat-vaccin - a une durée extrêmement variable. Elle peut être rapide - un an ou deux - ou très longue, selon la maladie sur laquelle on travaille. Pour le sida, la recherche d'un vaccin dure depuis trente ans, pour le paludisme quarante ans. Les sources d'échec sont particulièrement nombreuses. Elles tiennent à la variabilité du pathogène, à la difficulté à le manipuler, à l'échappement aux réponses immunitaires, etc. En matière de vaccins, tout ce qui était facile à faire a déjà été entrepris et tout ce qui est difficile n'a toujours pas abouti. Et les coûts de R&D explosent : la mise au point des vaccins est désormais comprise entre 1 et 4 milliards d'euros.
La communauté scientifique se doit donc de fixer des priorités établissant les nouveaux vaccins qui auraient le plus d'impact sur la santé publique, et notamment sur la résistance aux antibiotiques, et promouvoir l'investissement pour ces produits.
Intégrer le développement exponentiel des technologies, que ce soit l'intelligence artificielle, les nouvelles plateformes de machine learning, d'analyse du système immunitaire et de culture de tissus.
Avoir accès à la meilleure expertise, et pour cela, pouvoir compter sur les meilleurs talents dans un marché très compétitif.
Casser les silos et les barrières public-privé :
L'exigence globale de qualité et de sécurité augmente, et il est difficile d'attendre de l'industrie qu'elle s'engage seule dans la recherche et le développement de nouveaux vaccins.
Il faut pouvoir envisager des bénéfices/risques partagés avec d'autres acteurs.
Deux initiatives phares sont construites sur ce modèle :
1 L'initiative mondiale R&D Blueprint
Menée sous l'égide de l'OMS, cette initiative globale, adoptée en mai 2016, est une stratégie concertée de préparation à la mise en place rapide d'activités de R&D durant les épidémies infectieuses.
Elle vise à produire au plus vite des tests efficaces, des vaccins et des médicaments pouvant être utilisés pour soigner et éviter des crises sanitaires de grande ampleur.
Elle s'inspire de l'importante mobilisation réalisée lors de l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest pour trouver le plus rapidement possible des moyens de contenir la maladie et de protéger la population.
Elle a permis de produire un vaccin efficace contre Ebola, mais elle a aussi mis en lumière certaines failles dans l'organisation globale de la communauté scientifique dédiée à la R&D. Ce sont les leçons de cette expérience qu'entend tirer la coalition Blueprint pour faire face efficacement à la prochaine épidémie.
L'initiative R&D Blueprint travaille sur une liste de maladies identifiées comme prioritaires.
Pour chaque maladie est créée une feuille de route de recherche et développement suivie par des profils de produits ciblés.
Vaccination
Cette initiative s'est traduite concrètement au forum économique mondial de Davos de 2017 par la constitution de la Coalition for Epidemic Preparedness Innovations (CEPI) consacrée aux trois zoonoses :
• la fièvre de Lassa transmise par les rats,
• la fièvre Nipah transmise par les chauves-souris,
• la MERS (fièvre avec syndrome respiratoire du Moyen-Orient) transmise par les chameaux.
Ces nouveaux modèles de partenariats public-privé sont une des approches les plus intéressantes pour se préparer aux maladies infectieuses émergentes. Ils sont, en effet, fondés sur des engagements en amont associés à des programmes de R&D conçus sur la base d'un partage des bénéfices et des risques.
2 L'initiative européenne IMI (Initiative Médicaments Innovants)
C'est le plus grand partenariat amont public-privé. Il est doté d'un budget de 3,3 milliards d'euros sur dix ans, de 2014 à 2024, la contribution de l'industrie pharmaceutique étant de 1,4 milliard d'euros.
Chaque industriel du vaccin noue des partenariats en fonction de ses spécialités, d'où la constitution de différents groupes :
• résistance aux antibiotiques,
• infections virales,
• infections à champignons,
• zoonoses,
• infections respiratoires,
• diagnostic
• préparation aux épidémies.
Fiche extraite de l'étude Santé 2030 réalisée avec l'appui de Nicholas Jackson, VP, Head of Global Research, Jean Lang, Associate VP, R&D Portfolio Global Health & Partnerships Head, Sanofi Pasteur.