One Health : de la prise de conscience à l’action collective
SARS, MERS, Zika, Nipah, grippe aviaire, Ebola, Covid-19 : une réalité s’impose à nous, le nombre de maladies issues du monde animal s’est démultiplié au cours des deux dernières décennies traduisant l’impact de la dégradation de la biodiversité. Ces épisodes épidémiques cachent un fait dont il est nécessaire de prendre conscience : 75 % des nouvelles maladies infectieuses émergentes qui touchent l’homme sont d’origine animale.
Les crises, alertes et données scientifiques s’accumulent et pourtant, nous sommes en 2022 tout aussi vulnérables qu’en 2019 face aux risques zoonotiques. La situation pourrait même se dégrader puisque le réchauffement climatique va intensifier ce phénomène. La revue scientifique Nature l’a récemment souligné, les changements climatiques et l’utilisation accrue des sols vont multiplier les partages viraux entre des espèces auparavant isolées. Au total, au moins 15 000 transmissions virales entre espèces pourraient avoir lieu d’ici à 2070.
En tant qu’acteurs de la santé, nous souhaitons collectivement renouveler notre approche des enjeux sanitaires et appelons le nouveau comité d’anticipation des risques sanitaires, qui prend la suite du conseil scientifique, à s’emparer de ce sujet. Nous devons construire des ponts entre la santé humaine, la santé animale et la santé environnementale. C’est ce que la communauté scientifique appelle l’approche « Une seule santé » (One Health), une approche pluridisciplinaire, multisectorielle et globale de la santé. Il devient aujourd’hui urgent de lui donner plus d’ampleur et d’en reconnaître la juste valeur en le prenant en compte dans l’édification de nos politiques de santé publique.
L’enjeu est d’importance, puisqu’il suppose un changement profond de nos habitudes et de notre manière de travailler. Cela touche tant la prévention, la surveillance, la recherche, que la formation des professionnels de santé, une meilleure intégration de la filière vétérinaire et l’éducation. Sur ce dernier point, sensibiliser les citoyens sera clé et l’alimentation, préoccupation du quotidien, est un point d’entrée utile pour saisir l’impact de la santé animale et environnementale sur celle de l’homme.
Parmi tous ces défis, celui de la recherche nous apparait prioritaire pour faire face aux prochaines pandémies. Un sujet nous préoccupe, celui de l’absence en Europe de modèle satisfaisant de financement de la recherche et de moyens de riposte sur les maladies émergentes de demain. C’est pourtant un enjeu crucial pour être en mesure de développer et produire de nouveaux traitements de constituer des banques de diagnostics et de vaccins pour les hommes et les animaux sur des pathologies qui menaceront demain notre santé.
Ailleurs, le sujet avance. Les États-Unis ont lancé le Pasteur Act¬, projet de loi qui propose de financer la recherche et la commercialisation de nouveaux antibiotiques pour lutter contre l’antibiorésistance qui est à l’origine de 1,27 million de morts en 2019 selon The Lancet. Le mécanisme de financement proposé est original : assurer une rémunération forfaitaire aux laboratoires qui développent des projets de recherche contre les bactéries les plus dangereuses.
Introduire un tel modèle de financement pour la recherche One Health, notamment pour l’antibiorésistance et les risques zoonotiques, est indispensable pour assurer la souveraineté sanitaire française et européenne.
C’est à une véritable révolution à laquelle nous appelons, à tous les niveaux. Car nous devons réfléchir et agir différemment si nous voulons construire efficacement les réponses sanitaires aux prochaines pandémies que risque d’accentuer le réchauffement climatique et préserver le monde dans lequel nous vivons.
Signataires :
Jean-Louis Hunault, Président du SIMV
Philippe Lamoureux, Directeur Général du LEEM
Erick Lelouche, Président de Boehringer Ingelheim en France
Daniel Beauchamp, Directeur général de MSD Santé Animale