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SantExpo 2023 | Discours de Philippe Lamoureux : « Enjeux démocratiques de l’accès aux soins et à l’innovation »

24.05.23
Le Directeur général du Leem a participé, le 24 mai 2023, à la conférence plénière de la FHF « Enjeux démocratiques de l’accès aux soins et à l’innovation » organisée à l'occasion de SantExpo.

L’égalité d’accès aux soins est un des principes fondateurs du système de santé français et de la protection sociale. L’accès à l’innovation, qu’elle soit thérapeutique, technologique ou médicamenteuse est également un enjeu primordial, sur l’ensemble du territoire et toute la population, quels que soient l’âge, le revenu et la pathologie.

La réalité est plus complexe : déserts médicaux, tensions sur les effectifs et les recrutements, dégradation des finances publiques, sous-investissements, foisonnement et complexité des règles pour les usagers, notamment les plus vulnérables et les plus isolés ; tous ces facteurs pèsent sur l’égal accès aux soins de proximité et de recours et à l’innovation. Malgré ces contraintes, les projets et initiatives ne manquent pas dans les établissements et au sein des équipes afin d’améliorer et de garantir l’accès aux soins et aux innovations.

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  • Tous les patients n’ont pas accès aux mêmes médicaments dans tous les pays.
  • En France, les systèmes d’évaluation ne laissent pas passer certaines thérapies – pourtant approuvées par l’Agence européenne du médicament – et n’arrivent pas au lit du patient (antimigraineux, antipsychotiques, anticancéreux).

 

- Un tiers des molécules enregistrées depuis 2018 par l’Agence européenne du médicament n’est pas disponible en France (W.A.I.T 2022).

- La France se situe au 8e rang des pays européens, loin derrière l’Allemagne ou le Danemark.

- En Italie, plus de 80 % des produits autorisés par l’Europe sont accessibles aux patients.

Qu’est-ce qu’un système qui garantit un accès plus large des patients aux médicaments dans les mêmes conditions que les autres pays ?

>> 5 critères.

  1. Un système qui lutte plus efficacement contre les ruptures d’approvisionnement sur les produits du quotidien.
  2. Un système qui permet d’inclure précocement le plus rapidement possible les patients dans les essais cliniques.
  3. Un système qui sait permettre un accès précoce pour que les innovations arrivent le plus rapidement possible aux populations cibles éligibles.
  4. Un système avec des dispositifs d’évaluation qui permettent d’avoir accès aux mêmes médicaments que les autres pays européens dans des délais rapides.
  5. Un système qui permet de financer les innovations de rupture.

Comment fonctionne le système Français ?

  • La lutte contre les ruptures d’approvisionnement sur les produits du quotidien.

- Le nombre de tensions et de ruptures d’approvisionnements de médicaments est en augmentation ces dernières années.

 

- Les signalements (risques de ruptures et ruptures) à l’ANSM en 2022 était de 3747, contre 2160 en 2021.

- Le nombre de spécialités pharmaceutiques commercialisées en France est d’environ 14 500 présentations différentes basées sur 2665 principes actifs.

- Les causes des ruptures d’approvisionnement sont multiples et complexes, avec souvent une dimension internationale (augmentation de la demande mondiale, complexité des normes de production, morcellement de l’approvisionnement, épidémies, tensions géopolitiques, inflation).

- Mais nous sommes encore davantage surexposés en raison de prix plus bas que chez nos voisins européens, qui encouragent l’exportation parallèle vers des marchés étrangers plus attractifs.

- Le bicarbonate de sodium, soluté très utilisé en ville et à l’hôpital en flacon de 500 millilitres, coûte 1,40 euros aux grossistes répartiteurs. En 2014, un fabricant français gagnait 13 centimes par flacon pour ce produit, en 2022, il en perdait 17.

- Le prix de la forme buvable de l’amoxicilline est de 0,76 euros PFHT, resté stable depuis 15 ans.

- En France, plus d’un tiers des médicaments commercialisés en ville ont un prix unitaire inférieur à 25 centimes d’euros.

- Les prix nets français sont les plus bas d’Europe pour les médicaments matures, environ 37% moins chers qu’en Allemagne (étude suédoise).

 

- En amont de la présentation d’une nouvelle feuille de route du gouvernement, les Entreprises du Médicament ont proposé le 11 mai de nouvelles mesures efficientes et urgentes pour sécuriser l’approvisionnement en médicaments.

- 7 axes prioritaires : établir la liste des médicaments critiques à sécuriser de façon prioritaire / optimiser la transparence et la qualité de l’information entre les acteurs / mobiliser les autorités sur des mesures d’optimisation réglementaire / s’assurer de la convergence des législations en Europe / redynamiser l’investissement et pérenniser l’outil industriel pour renforcer l’autonomie stratégique / ajuster les prix et les conditions d’achat des médicaments aux réalités économiques du marché / s’assurer d’un pilotage au plus haut niveau de l’État.

  • L’inclusion des patients dans les essais cliniques.

- Les essais cliniques constituent la première voie d’accès des patients aux médicaments.

- En Europe, la France se positionne dans le trio de tête des essais cliniques réalisés chez les patients, toutes pathologies confondues avec une participation à 13 % des essais internationaux (au même niveau que l’Allemagne, et derrière l’Espagne).

- Mais la compétition au sein de l’Europe reste forte. L’enquête montre que plus de 300 essais internationaux n’ont pas associé la France alors qu’ils étaient implantés chez nos principaux voisins européens.

 

- Plus de 300 essais cliniques internationaux n’ont pas associé la France alors qu’ils étaient implantés chez nos principaux voisins européens.

- Au niveau mondial, l’Europe est en déclin, prise en tenaille entre les Etats-Unis et l’Asie qui poursuit sa progression spectaculaire année après année.

- L’Asie à participé à 41 % des essais cliniques en 2021, versus 27 % en 2017.

- L’Europe a participé à 19% des essais cliniques mondiaux en 2020 (vs 25 % en moyenne au cours des dix dernières années).

- Les dépenses américaines de recherche et développement dépassent de 20 milliards de dollars celles de l’Europe, alors qu’en 2002, l’Europe n’était distancée que de 2 milliards de dollars.

- Le règlement européen sur la recherche, effectif depuis le 31 janvier 2023, accompagné d’un plan d’action de l’Agence européenne du médicament, devraient permettre d'harmoniser les pratiques et de faciliter ainsi la réalisation des essais cliniques sur notre continent.

  • L’accès précoce aux innovations.

- Le système s’est considérablement amélioré avec les réformes réalisées en 2021. Un accès précoce permet de délivrer des traitements innovants avant ou après l'autorisation de mise sur le marché pendant la négociation des prix.

- Mais si le dispositif ne permet pas d’aboutir à des accords de prix, il va vite s’avérer un problème.

- Par ailleurs, les délais d’accès aux innovations, hors mécanismes dérogatoires, sont parmi les plus longs d’Europe.

- Ces mécanismes ne doivent pas masquer l’enjeu que représente l’entrée des traitements dans le circuit d’accès classique, notamment en termes d’équité d’accès sur le territoire et d’accès des patients ne répondant pas aux indications d’accès dérogatoire.

  • Les dispositifs d’évaluation.

- Aujourd’hui, l’évaluation administrative de l’ASMR est mal adaptée aux innovations. Elle mesure l’intérêt d’un nouveau traitement par rapport à ceux déjà utilisés sur la maladie.

- Avec des médicaments totalement nouveaux pour des cancers qu’on ne savait jusqu’alors pas soigner, la commission attribue sa plus mauvaise note, faute de pouvoir comparer.

- En outre, les nouveaux traitements adaptés aux malades s’adressent à des petits échantillons et il n’y a pas assez de patients pour réaliser des essais cliniques comparatifs classiques.

- En avril 2023, plus de 150 oncologues interpellaient dans les médias le président de la République sur les difficultés d’accès aux nouveaux anticancéreux en raison d’un avis défavorable au remboursement de la HAS.

- Une immunothérapie par cellules CAR-T[1] a été délivrée en accès précoce chez des personnes atteintes d’un cancer en rechute et réfractaire à tout traitement, mais l'absence de données comparatives ne permet pas de valoriser son ASMR et il n'est pas remboursé directement aux établissements de santé.

  • Le financement de l’innovation.

- Les innovations médicamenteuses sont cruciales pour l’évolution de la prise en charge des patients et les changements organisationnels du système de soins (l’arrivée de traitements oraux en oncologie a permis à de nombreux patients atteints de cancers d’être traités à domicile).

- Le médicament est le fruit d’un parcours de R&D long, coûteux et risqué.

 

- Chaque médicament représente en moyenne 1 milliard d’euros d’investissement.

- Sur 10 000 molécules au départ, 1 médicament à la fin.

- Il faut environ 10 ans pour mettre au point un médicament.

- Le prix d’un médicament ne se calcule pas en fonction de son unique coût de fabrication : il se calcule aussi selon la valeur thérapeutique évaluée par les autorités sanitaires, les investissements de R&D et le financement de futures recherches.

- Les traitements peuvent générer des marges de manœuvre pour le système de santé (hospitalisations évitées, diminution des consultations, réduction des arrêts de travail) et dans la société (valeur ajoutée d’une personne active).

- Les ruptures technologiques vont se multiplier et aujourd’hui, nous n’avons pas de modèle économique qui permettent de les financer.

- En effet, les thérapies actuelles (et futures) sont de plus en plus personnalisées et deviennent des médicaments réservés à des marchés de niche, voire même élaborés sur mesure. Ils sont donc encore plus chers à produire et développer.

- Or aujourd’hui, en France, les prix sont bas. L’impression d’un prix très élevé est en partie dû à l'affichage du prix facial. II s'agit d'un trompe-l'œil car ce prix fait l'objet de remises et de retours sur les bénéfices souvent considérables en fonction du volume des ventes.

- En 2022, toutes les remises dépasseront les sept milliards d'euros reversés à l'Assurance maladie.

- Pour développer un écosystème économiquement viable, il faut mieux anticiper l’arrivée des vagues d’innovation et des tombées de brevets, adapter la croissance de l’enveloppe budgétaire du médicament (aux innovations mais aussi à l’épidémiologie, la démographie, les priorités de santé publique…), mieux évaluer les gains générés par les conséquences organisationnelles et, bien sûr, envisager des modalités de financement différentes (pluri-annualité…).