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SantExpo 2024 : « Comment (et avec quoi) soignerons-nous demain ? »

24.05.24
Un cycle d’innovations thérapeutiques sans précédent s’est ouvert ces dernières années, révolutionnant la prise en charge d’un nombre croissant de pathologies. Une chance pour les patients, mais un défi collectif pour notre capacité à anticiper, accompagner et prendre en charge ces innovations. Lors d’une table ronde organisée le 22 mai par le Village des entreprises du médicament au salon SantExpo, cinq intervenants ont échangé sur ce sujet.
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Remplacer un gène défectueux à la naissance, c’est possible. Prélever les cellules d’un patient, les réparer et lui réinjecter, c’est possible. Avec les thérapies géniques et cellulaires, une nouvelle génération de médicaments révolutionnaire et fascinante est à nos portes. « Des traitements sont déjà utilisés en pratique courante alors qu’il s’agissait encore de science-fiction il y a quelques années », s’émerveille Thibault Victor-Michel, président de Novartis France et président de la commission « recherche & innovation » du Leem. Et ces traitements vont eux-mêmes transformer la prise en charge des patients avec une médecine de plus en plus personnalisée. « Une nouvelle approche, le théranostique, nous permet d’associer thérapie et diagnostic », explique Vincent Lebon, médecin nucléaire, PUPH à l’Université Paris Saclay. Ainsi, par exemple, certains traitement – radiothérapie interne vectorisée - permettent sur la base d’un diagnostic fin au niveau moléculaire d’être ajustés pour traiter les cellules cancéreuses tout en épargnant au maximum les tissus sains et les organes à proximité.

Des conséquences sur l’ensemble du système

Si ces innovations sont porteuses d’espoir, encore faut-il que les patients y aient accès. Car le circuit des thérapies innovantes est complexe à mettre en place dans les hôpitaux. « Il y a tout un continuum à envisager », décrit Sylvain Auvity, pharmacien et membre du groupe « 1nnovat1on ». « Ce sont des adaptations réglementaires (autorisations des pharmacies, adaptation des dispositifs de stockage, présence de locaux dédiés à la manipulation…), d’infrastructures et d’équipements ». Et il y a urgence. A l’horizon 2030, on estime que plus de 40 thérapies innovantes seront sur le marché et les centres de référence rencontrent déjà des difficultés à traiter leurs propres patients. Pour Sylvain Auvity, certains leviers pourraient être mis en œuvre : gagner du temps en fluidifiant les process organisationnels (modalités de commandes, homogénéisation des circuits pharmaceutiques et logistiques), renforcer les études de stabilité et de formulation galénique des médicaments pour qu’ils soient plus stables et qu’ils puissent être préparés à l’avance.

En outre, ces innovations ont un coût important et impliquent une modification de l’ensemble du parcours de soins (diagnostic, prise en charge…). Pour le financement, « il y a un équilibre à trouver entre la pérennisation du système de santé – déjà sous tension – et la valorisation de l’innovation – qui représente des années de recherche et dont la valeur est inestimable », analyse Thibault Victor-Michel. Concernant le parcours de soins, si les thérapies sont disponibles, il faut encore que les maladies soient diagnostiquées, que les patients soient correctement adressés dans les bons centres experts. Bref, le travail est immense.

La solution : l’anticipation

Pour accueillir cette vague d’innovation sans être submergés, la préparation collective est nécessaire.

Première condition : anticiper. C’est justement dans cette optique qu’a été mise en place l’Agence de l’innovation en santé (AIS) dans le cadre du Plan Innovation Santé 2030. « Nous travaillons sur la prospective pour anticiper l’impact organisationnel et financier des traitements à venir, sur les médicaments de thérapie innovante, mais aussi les dispositifs médicaux ou encore la chirurgie du futur », explique Lise Alter, directrice générale de l’AIS. Les industriels aussi sont sur le coup : « nous élaborons actuellement un rapport d’Horizon Scanning pour analyser les traitements à venir et leur impact sur l’ensemble du système », explique Nathalie Manaud, directrice Innovation du Leem.

Deuxième condition : collaborer. Cela passe par un décloisonnement de tous les acteurs à toutes les étapes de la chaîne de valeur du médicament. L’innovation en santé ne concerne pas que les professionnels de santé mais aussi les ingénieurs, les informaticiens, les chimistes, les mathématiciens, les académiques, les industriels… « Il y a un enjeu de taille à regrouper les différents acteurs de tout l’écosystème (chercheurs, industriels…) », remarque Vincent Lebon. « Nous travaillons sur le maillage pour connecter tous les acteurs, cela passe par de la formation, de l’acculturation, de l’accompagnement de projet ». Et l’AIS l’a bien compris puisqu’elle finance actuellement 5 bioclusters pluridisciplinaires. « L’objectif est d’assurer une vision décloisonnée de la recherche et de l’innovation », commente Lise Alter. Tous les intervenants s’accordent sur ce point : lorsque toutes les parties prenantes travaillent ensemble en amont, cela fonctionne. « Nous avons mis en place des rencontres sur les thérapies géniques à Necker, explique Sylvain Auvity. Cela permet de raisonner collectivement aux contraintes de chacun et de construire des parcours plus standardisés ».

Le monde se transforme très vite. A nous de le suivre.