Tribune de Thierry Hulot : "Pour une santé plus juste dans le monde : les 5 chantiers de la pharma"
Des avancées remarquables ont été accomplies au cours des dernières décennies. Les thérapies antirétrovirales ont permis de sauver des millions de patients séropositifs au VIH. Des médicaments et des outils de diagnostic innovants ont apporté de nouvelles armes contre la tuberculose. Des programmes de prévention et de nouveaux traitements ont massivement réduit le nombre de décès liés au paludisme. Pour répondre à ces besoins de santé publique mondiale l’action des laboratoires a été déterminante. Évidemment l’effort ne s’arrête pas là. Cinq chantiers, absolument prioritaires ont déjà été initiés et il reste beaucoup à faire. En ce sens, le rôle des entreprises du médicament dans la phase opérationnelle de déploiement de la stratégie dévoilée hier sera essentielle.
1 – Antibiorésistance
L’augmentation des infections résistantes aux antibiotiques est l’une des plus graves menaces qui pèse sur la santé mondiale selon l’OMS. Plus de 700 000 personnes en meurent chaque année dans le monde, dont 33 000 en Europe. Une urgence. En 2020, une vingtaine de laboratoires ont créé le Fonds d'action contre l'antibiorésistance (AMR Action Fund) et investi un milliard de dollars dans la R&D sur les antibiotiques. Ce Fonds est désormais le plus grand partenariat public-privé au monde à soutenir le développement de nouveaux antibiotiques.
2 - Falsification des médicaments
Le trafic de médicaments falsifiés est un fléau qui doit être considéré comme une priorité sanitaire mondiale. Elle peut gravement impacter la santé des patients : échecs thérapeutiques, résistances aux traitements, effets indésirables graves voire mortels. En France, chaque année, les douanes interceptent 2 à 3 millions de faux médicaments. Le trafic de médicaments est devenu le premier trafic au monde. Selon Interpol, il rapporte 10 à 20 fois plus que celui de l'héroïne. Les industriels améliorent sans cesse leurs procédures et dispositifs de lutte contre ces médicaments falsifiés. Je pense notamment à la sérialisation des médicaments à la boîte, entrée en vigueur 2019, et qui renforce l’étanchéité du circuit de distribution des médicaments au sein de l’Union européenne, grâce à un numéro de série unique et à un dispositif « anti-effraction » apposés sur chaque boîte de médicament.
3 - Bon usage du médicament
Il constitue, lui aussi, un enjeu de santé publique, mais aussi un enjeu sociétal et économique. Il fait partie des réservoirs d’efficience des systèmes de santé. Selon l’OMS, 50% des traitements prescrits dans le monde sont peu ou mal suivis par les patients. De nombreuses hospitalisations, voire décès, pourraient être évités grâce à une meilleure observance des traitements. Sans compréhension de ces sujets de la part des populations, le reste de nos actions serait incomplet. Les entreprises du médicament ont mis en place des actions pour améliorer l’observance des traitements tels que le pilulier électronique ou un logiciel destiné aux diabétiques permettant de transmettre au médecin le taux de glycémie et d’ajuster leur dose d’insuline, ou encore des programmes pédagogiques et de prévention.
4 - Couverture maladie universelle
Le Leem soutient pleinement l’instauration de couvertures maladies universelles là où les pays en sont dépourvus et qui permettrait un meilleur accès aux médicaments, à des prix abordables. En décembre 2022, une délégation du Leem s'est rendue en Côte d'Ivoire pour rencontrer le ministre de la Santé ivoirien, Pierre N'gou Dimba, et échanger sur la mise en place d'une ambitieuse politique d’Assurance maladie universelle qui pourrait inspirer d’autres pays. Ce déplacement était aussi l'occasion de soutenir le déploiement d’une "caravane santé" de sensibilisation et de conseil-dépistage multi-maladies. Une initiative de terrain qui visait à promouvoir la CMU auprès des populations des quartiers défavorisés.
5 - Préparation face aux futures pandémies
Face au Covid les entreprises du médicament se sont mobilisées extrêmement vite aux côtés des autorités sanitaires dans la recherche de solutions thérapeutiques et préventives face au virus. Un vaccin a vu le jour en moins d’un an. Mais demain ? Certains virus, particulièrement virulents (Marburg, Machupo, Lassa, Crimée-Congo, Zika…) pourraient provoquer d’autres épidémies. La préparation et la riposte face aux futures pandémies est essentielle. La Fédération internationale des industries du médicament (IFPMA) a formulé, sous l’appellation de « Déclaration de Berlin pour l’équité d’accès en cas de pandémie », une proposition destinée à garantir l'approvisionnement précoce en vaccins, traitements et diagnostics des populations prioritaires des pays à faible revenu.
Nous ne construirons rien dans l’urgence. Il faut tirer les leçons du passé pour anticiper le futur et opérer un réel renforcement des systèmes de santé. Il s’agit d’un défi global dont la réussite passe nécessairement par la prise en compte de nombreux aspects. Les solutions existent, l’innovation est en cours, l’important aujourd’hui est de renforcer les synergies, mobiliser les financements, faciliter leur mise en œuvre et partager cet objectif commun d’une santé plus juste, pour tous.