Economie

Le commerce extérieur de médicaments

04.03.25

Contexte général : le commerce extérieur de la France s'améliore

Le déficit commercial de la France s’est résorbé en 2023 pour s’établir à 99,6 milliards d’euros, grâce notamment à une diminution de la facture énergétique (–47 milliards d’euros).
La contribution en volume du commerce extérieur à la croissance du PIB redevient ainsi nettement positive (+0,6 point après –0,6 point en 2022).

Dans le détail des partenaires économiques, la balance commerciale s’améliore avec l’ensemble des régions du monde, et particulièrement avec l’Europe. En raison de l’arrêt des importations de gaz naturel russe transitant par le gazoduc Nord Stream, et la diminution de celles d’origine norvégienne, le solde avec la Belgique s’améliore fortement (+10,3 milliards d’euros).
Dans une moindre mesure, le solde avec l’Espagne (+2,9 milliards d’euros) et avec l’Allemagne (+2,1 milliards d’euros) s’améliore également.
En dehors des pays de l’Union européenne, la réduction importante des importations de produits énergétiques permet de diminuer le déficit avec la Russie de 10,9 milliards d’euros.
Sur les autres continents, le solde bilatéral avec l’Asie enregistre une nette amélioration en raison du recul des importations de textile habillement-cuir-chaussures, de produits manufacturés divers, et de produits informatiques, électroniques et optiques.
La détérioration inédite enregistrée en 2022 du solde avec les Etats-Unis est résorbée en 2023 grâce à la diminution des importations de gaz naturel liquéfié. Cette correction permet de faire progresser le solde avec l’Amérique de 7,0 milliards d’euros. Même si la baisse des prix de l’énergie contribue à diminuer le déficit avec l’Afrique (+1,5 milliard d’euros), le solde reste néanmoins très éloigné de son niveau de 2019.

 

 

L’embellie de la balance commerciale observée en 2023 doit cependant être nuancée.
D’abord, le solde demeure largement déficitaire en restant supérieur aux niveaux d’avant-crise. D’autre part, l’Insee a estimé qu’entre 2019 et 2023, de nombreux pays développés ont subi une baisse des parts de marché à l’exportation : –8 % pour l’Allemagne, –9 % pour la France, ou encore –19 % pour l’Angleterre.
Au sein de la zone euro, seul un quart de ces pertes de parts de marché serait expliqué par le choc des prix de l’énergie. Ainsi, l’essentiel de la dégradation observée révèlerait une perte de compétitivité hors coût des pays de la zone euro.
Enfin, tous les secteurs ne bénéficient pas des bons résultats globaux : l’agroalimentaire, l’automobile et l’industrie pharmaceutique marquent une diminution de leur solde en 2023.


La balance commerciale des produits pharmaceutiques atteint un niveau historiquement bas

Depuis le début de la série en 2014, jamais la balance commerciale du secteur pharmaceutique n’avait été aussi faible. Bien que toujours positif (0,4 milliard d’euros), le solde accuse d’une diminution de 86 % entre 2022 et 2023. Malgré tout, le secteur du médicament demeure le 4e plus gros contributeur à la balance commerciale, derrière l’aéronautique, la chimie et l’agroalimentaire.

 

 

L’explication de cette décrue réside principalement dans la croissance des importations (+4,4 %), soutenue par la forte augmentation des achats de produits immunologiques en provenance de Corée du Sud et d’Irlande.
D’après les premières données des douanes, cette situation serait toutefois cantonnée à l’année 2023, permettant à la balance commerciale de revenir à la normale en 2024. Sur les huit premiers mois de 2024, le cumul du solde affiche un résultat positif de 3,5 milliards d’euros, soit 74 % de plus qu’à la même période en 2022.

Dans une étude publiée en juin 2024, Rexecode note également que la production nationale en volume en 2023 a diminué de 1,4 %, après quinze ans de croissance ininterrompue, ce qui a pu contribuer à l’aggravation du solde.

 

L’institut économique a, dans le même temps, objectivé le recul des exportations de la France, et plus particulièrement de l’export pharmaceutique, par rapport à celui de ses voisins européens.
Tandis que la part des exportations françaises, tous produits confondus, dans celles de l’ensemble de la zone euro est passée de 17,0 à 11,0 % (–6,0 points) entre 2001 et 2024, cette part pour les seuls produits pharmaceutiques a chuté de 12,5 points (de 20,3 à 7,8 %) sur la même période. Cette tendance inquiétante semble s’accélérer depuis la crise Covid-19.

 

 

Les chiffres présentés sur le graphique 11 s’appuient sur les données de la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) ou d’Eurostat, dans la catégorie « produits  pharmaceutiques » dont le périmètre est plus large que le périmètre des médicaments à usage humain. Elle inclut notamment les principes actifs.
En restreignant l’analyse aux échanges commerciaux de médicaments à usage humain, on constate une dynamique similaire de diminution du solde, les remarques formulées précédemment étant également applicables à ce champ.
Au cours des dix dernières années, les exportations ont augmenté de 27 %, tandis que les importations ont connu une croissance de 79 % sur la même période.
La balance commerciale des médicaments a ainsi reculé de 77 % entre 2013 et 2023, pour s’établir à 2 milliards d’euros.
En 2023, elle enregistre une nette diminution (–67 %) par rapport à l’année précédente, surpassant ainsi la forte baisse de 43 % observée en 2021.

 


Une baisse modérée des exportations de médicaments

Les exportations françaises de produits pharmaceutiques à usage humain ont diminué de 1,25 % pour atteindre 33,4 milliards d’euros en 2023. Les exportations restent néanmoins en augmentation par rapport à 2019 (+12 %).

 

 

Les exportations de la France sont principalement tournées vers ses partenaires européens

Les exportations de médicaments de la France vers l’Europe dépassent les 20 milliards d’euros en 2023, représentant une part encore plus importante qu’en 2022 (+0,9 point). La Belgique reste le premier destinataire (4,0 Mds €), devant les Etats-Unis (3,8 Mds €) et l’Allemagne (3,7 Mds €).

 

 

 


Les importations de médicaments connaissent une augmentation exceptionnelle

Les importations françaises de médicaments ont fortement augmenté en 2023 (+12,7 %), alors qu’elles avaient déjà bondi de 14 % en 2021. Ainsi, la France a importé pour 31,4 milliards d’euros de médicaments.
Comme indiqué précédemment, cette hausse importante est la conséquence de l’importation de produits immunologiques en provenance de Corée du Sud et d’Irlande.
Logiquement, ces pays grimpent dans le classement des pays auprès desquels la France a importé des médicaments. L’Irlande accède à la première position après une 3e place en 2022. Quant à la Corée du Sud, elle fait une percée pour atteindre la 5e place.
Plus de 40 % des produits importés proviennent de trois pays : l’Irlande (14,7 %), l’Allemagne (13,8 %) et les Etats-Unis (12,8 %). On constate également que 8 des 10 premiers pays auprès desquels la France importe des médicaments sont des pays européens.

 


Il est nécessaire de noter que le solde commercial est évalué en termes de valeur monétaire et non en quantité.
Par conséquent, si un pays importe des médicaments coûteux et exporte des médicaments peu onéreux, son solde commercial risque de se détériorer, même si les quantités exportées surpassent celles importées. Les données relatives au nombre d’unités importées ou exportées ne sont pas disponibles.

En étant moins impliquée que ses voisins dans la production de nouveaux médicaments, la France se prive dès lors des exportations dont elle aurait pu bénéficier, et se voit dans le même temps dans l’obligation de les importer.
D’après une analyse réalisée par le Leem, sur les 508 médicaments autorisés en Europe entre 2017 et 2022, seuls 48 sont produits dans l’Hexagone, derrière l’Allemagne (122), l’Irlande (97), les Pays-Bas (74), et l’Espagne (53).


La France à la 11e place des pays de l’Union européenne pour le solde commercial de produits pharmaceutiques

A partir des données d’Eurostat au périmètre des produits pharmaceutiques, on constate que la France, qui était un pays leader en Europe en 2013, est aujourd’hui en perte de vitesse par rapport à ses voisins.
Alors qu’elle présentait le 3e solde commercial en 2013, loin derrière l’Allemagne et l’Irlande, elle est désormais à la 11e place. Le solde commercial de produits pharmaceutiques de l’Irlande est 90 fois plus élevé que celui de la France. Le rapport était « seulement » de 19 en 2021.

Le commerce parallèle : un frein à l’attractivité

La construction de l’Union européenne est fondée sur le principe de libre circulation des personnes et des marchandises entre les pays qui la composent. Ce principe fondamental s’applique aux médicaments.
L’importation parallèle intra-communautaire de médicaments trouve ses origines dans l’utilisation, par les intermédiaires commerciaux, d’une spécificité du marché intérieur européen : la coexistence de la libre circulation et du droit des Etats d’administrer le prix des médicaments remboursables.

 


Le commerce parallèle naît de l’existence de prix administrés relativement bas dans certains pays d’Europe du Sud (la Grèce, la péninsule ibérique, mais aussi la France), par rapport aux prix administrés, ou résultant d’une liberté de prix, dans d’autres pays européens.
En pratique le commerce parallèle correspond à l’achat d’un médicament par un distributeur dans un pays à prix administré faible (où le prix d’achat est encadré à ce niveau) puis sa revente dans un pays où le prix est plus élevé (soit du fait d’un prix administré, soit du fait de la liberté tarifaire).
La marge réalisée par le distributeur est ainsi augmentée de l’écart de prix existant entre le pays d’achat et le pays de revente.
Dans les Etats concernés, le commerce parallèle ne profite qu’aux intermédiaires et, exceptionnellement, aux organismes de protection sociale. Dans les situations de faible volume de vente ou de tension d’approvisionnement, l’imprévisibilité de ces exportations parallèles complique les décisions d’allocation des stocks par les entreprises, exposant les patients du pays d’origine à des ruptures d’approvisionnement.

En 2022, le commerce parallèle européen était estimé à 6,4 milliards d’euros, sans que l’organisation de la distribution par les entreprises puisse y apporter de solutions satisfaisantes. Il demeure une préoccupation essentielle pour les laboratoires. Ainsi, en Allemagne, 7,0 % du chiffre d’affaires réalisé en ville provient de médicaments issus d’importation parallèle, et jusqu’à 29,4 % au Danemark.

Compte tenu des prix pratiqués en Europe, la France est essentiellement un pays d’exportation parallèle, et la part des importations parallèles dans le marché français est négligeable.
Dans un contexte mondial en constante évolution, le dynamisme du commerce extérieur des médicaments en France est un enjeu majeur.
Préserver l’attractivité du secteur pharmaceutique est essentiel pour garantir l’accès aux innovations thérapeutiques, renforcer la compétitivité de l’industrie pharmaceutique française, et assurer la disponibilité des traitements nécessaires à la santé des citoyens français.