Le marché intérieur français
L’industrie du médicament est un secteur singulier par son importance sanitaire et industrielle mais aussi par son cadre législatif et budgétaire strict.
Alors que les comptes de la Sécurité sociale étaient proches de l’équilibre en 2019 grâce à dix années de régulation drastique, la crise de la Covid-19 a brutalement dégradé le déficit des différents régimes, toutes branches confondues, qui a atteint un niveau inédit en 2020, à 39,7 milliards d’euros.
Après une nette amélioration en 2021 (24,4 milliards d’euros), 2022 (19,6 milliards d’euros) et 2023 (10,7 milliards d’euros), les prévisions pour 2024 indiquent un retour à des niveaux élevés (18,5 milliards d’euros).
Dans ce contexte budgétaire contraint, le médicament est un levier d’économies systématiquement activé par les pouvoirs publics.
La dépense en médicaments nette représentait 11,6 % des dépenses de l’Ondam(10) en 2010, contre 8,9 % en 2023, alors même que la population française vieillit et que l’incidence de pathologies nécessitant un traitement médicamenteux, comme les cancers, augmente.
Ainsi, la politique du médicament, pilotée principalement par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS), considère le médicament sous l’angle du contrôle de la dépense au travers d’une régulation croissante (régulation des prix par la mise en œuvre de campagnes de baisses de prix et par la progression des remises, mobilisation et réformes multiples des dispositifs de clause de sauvegarde, etc.) à laquelle s’ajoute l’une des fiscalités les plus lourdes d’Europe (voir chapitre « Prix, résultats et fiscalité »).
26,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires net pour les médicaments du marché régulé en 2023
Le secteur pharmaceutique est un champ large (médicaments de ville, dispensés à l’hôpital, remboursables, non remboursés…) dont le chiffre d’affaires peut être appréhendé à des périmètres différents.
En France, l’Assurance maladie est le principal financeur des médicaments, justifiant ainsi un intérêt particulier pour le périmètre des médicaments remboursés, dont le prix est administré.
Ce périmètre comprend les médicaments de ville remboursables, les médicaments dispensés à l’hôpital au titre de la liste en sus, les médicaments de rétrocession et les médicaments relevant des dispositifs d’accès dérogatoires (accès compassionnel, accès précoce, accès direct).
L’existence d’accords financiers entre l’Etat et les acteurs de l’industrie pharmaceutique conduit en outre ces derniers à reverser annuellement une partie de leur chiffre d’affaires, au titre des remises conventionnelles et légales (voir chapitre Prix, résultats et fiscalité »).
Ainsi, après déduction des remises et de la clause de sauvegarde, le chiffre d’affaires net des médicaments du marché régulé s’élève à 26,2 milliards d’euros.
Note : la clause de sauvegarde conduit au reversement annuel par les acteurs de l’industrie pharmaceutique d’une partie de leur chiffre d’affaires (voir chapitre « Prix, résultats et fiscalité »).
Marché ville métropole : une croissance brute de 7,5 % en 2023
En 2023, le chiffre d’affaires brut des médicaments en ville en métropole s’est élevé à 27,0 milliards d’euros (en prix fabricant hors taxes).
Le marché brut des médicaments remboursables en métropole a vu son chiffre d’affaires croître de 7,7 % entre 2022 et 2023, pour atteindre 24,9 milliards d’euros.
En incluant les achats en Outre-mer, ce montant atteint 25,6 milliards d’euros, comme indiqué sur le graphique ci- dessus.
La croissance des médicaments non remboursables a connu un net ralentissement en 2023 (5,9 %) après la forte augmentation observée en 2022 (17,9 %), qui s’explique notamment par des pathologies infectieuses hivernales moins fortes. Leur chiffre d’affaires s’élève ainsi à 2,1 milliards d’euros.
La croissance des médicaments remboursables en ville est portée principalement par l’effet de structure qui a plus que doublé entre 2022 (3,8 points) et 2023 (9,6 points).
Cet effet soutient la dépense à la hausse lorsque la consommation de médicaments se déplace vers des produits récents et onéreux.
La croissance est ensuite soutenue plus marginalement par l’effet assiette à hauteur de 2,4 points, et traduit les entrées et sorties des médicaments sur le marché d’officine.
Après une contribution positive entre 2021 et 2022, l’effet boîte redevient négatif avec – 1,5 point. L’effet-prix se maintient par rapport à 2022 (– 2,5 points).
A l’hôpital : une forte augmentation en 2023
Le marché hospitalier remboursable, qui inclut les médicaments de la liste en sus, de rétrocession et les accès dérogatoires, a connu une forte croissance (13,9 %) entre 2022 et 2023, pour atteindre 10 561 millions d’euros.
L’évolution du chiffre d'affaires brut est-il le bon indicateur pour mesurer la croissance sur le marché domestique français ? Non, l’évolution du chiffre d’affaires brut ne permet pas d’évaluer la dynamique des dépenses de médicaments |
Au-delà du chiffre d’affaires résultant de la prise en charge de médicaments sur le territoire français par l’Assurance maladie, l’export représente une part prépondérante du chiffre d’affaires des entreprises du médicament (47,1 % en 2023).
Le marché des génériques en 2023
Le répertoire des génériques est géré par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
Il est constitué des groupes génériques représentant le médicament princeps et ses génériques — que ces derniers soient commercialisés ou non sur le territoire.
En 2023, le chiffre d’affaires de ce répertoire s’élève à 5 791 millions d’euros (1 423 millions pour les princeps et 4 368 millions pour les génériques).
L’arrivée des génériques à la tombée dans le domaine public du brevet de princeps permet de générer d’importantes économies. Ainsi, l’année 2023 a été marquée par la perte de brevet de plusieurs molécules majeures, entraînant une progression de 6,7 % du chiffre d’affaires du répertoire générique.
En raison de la forte croissance des médicaments hors répertoire (9,0 %), la part de marché des médicaments inscrits dans un groupe générique s’est maintenue à 23 % en 2022. Ainsi, les médicaments sous brevet ou n’appartenant pas au répertoire des génériques constituent désormais 77 % des médicaments remboursables.
En 2023, les ventes de génériques représentaient 83,9 % du nombre de boîtes vendues dans le répertoire, soit une baisse de 0,9 point par rapport à 2022. Ce fléchissement s’explique par l’arrivée de nouvelles molécules dans le répertoire, avec une augmentation progressive des parts de marché des médicaments génériques.
Cette baisse fait suite à quatre années de progression liée à la mise en œuvre de l’article 66 de la LFSS de 2019.
Les dispositions initiales de l’article 66 de la LFSS 2019, applicables au 1er janvier 2020, encadrent le recours à la mention « non substituable (NS) ». Elles instaurent le principe d’un moindre remboursement en cas de refus de substitution et limitent le remboursement à la base de remboursement la plus chère en vigueur du générique ou de l’hybride.
Depuis le 1er janvier 2020, les patients ont donc le choix entre accepter la substitution générique en officine et bénéficier du tiers payant, ou exiger le médicament princeps et avancer entièrement les frais en assumant une éventuelle différence de prix entre le médicament princeps et le générique le plus cher (cette différence de prix ne faisant plus l’objet d’un remboursement par l’Assurance maladie).
Par ailleurs, l’article 42 de la LFSS 2020 prévoit que l’alignement des conditions de remboursement entre princeps et génériques ne s’applique qu’après deux ans suivant la publication au Journal officiel du prix du premier générique du groupe.
A la suite de la parution d’un arrêté d’application, cette mesure est entrée en vigueur le 15 décembre 2020.
Le marché des biosimilaires en 2023
Le marché des médicaments biologiques (produits de référence et biosimilaires) constitue un objectif important de maîtrise des dépenses de médicaments par les pouvoirs publics.
C’est par ailleurs un enjeu important de politique industrielle pour la France.
Après avoir connu des croissances spectaculaires entre 2019 et 2021, le marché des biosimilaires enregistre depuis une dynamique plus mesurée, avec une croissance de 7,3 % en 2023 (6,2 % en 2022).
Le marché total atteint 1 319 porté par trois nouveaux biosimilaires sur le marché. L’arrivée de ces nouvelles spécialités a affecté le marché des bioréférents dont le chiffre d’affaires a diminué de 16,0 % pour atteindre 1 153 millions d’euros en 2023.
La substitution en officine des médicaments biosimilaires a fait l’objet d’importantes évolutions ces dernières années. Alors que cette éventualité de substitution par le pharmacien avait été abrogée, celle-ci a été réintroduite sous conditions par la LFSS pour 2022, donnant lieu à la publication des deux premiers groupes de biosimilaires substituables en avril 2022 concernant le filgastrim et le pegfilgrastrim.
La LFSS pour 2024 a ensuite renforcé le recours à ces médicaments au regard du potentiel d’économies importantes qu’ils représentent pour l’Assurance maladie, en systématisant la possibilité de substitution par les pharmaciens d’officine de groupes biologiques similaires à compter d’une période de deux ans après l’inscription du premier biosimilaire et sauf avis contraire de l’ANSM.
Depuis, un nouveau groupe biologique (ranibizumab) est venu compléter les deux précédents par un arrêté ministériel le 31 octobre 2024. L’ANSM rendra ses avis au fil de l’eau pour chacun des autres groupes biologiques.
L’automédication, un marché stable en 2023
L’automédication est l’utilisation, à l’initiative du patient, pour lui-même ou ses proches, et hors prescription médicale obligatoire, de médicaments ayant une autorisation de mise sur le marché. En France, l’automédication est peu développée, alors même qu’il s’agit d’une réponse thérapeutique aux demandes des patients, et qu’elle constitue une première étape avec un professionnel de santé dans le parcours de soins. En 2023, elle représente d’après NèreS, l’association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable, 2,2 milliards d’euros. Un montant qui se maintient par rapport à 2022.
Le 24 juin 2021, l’Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (Afipa) a changé de nom et est devenue NèreS.
Les 100 premiers médicaments réalisent 53,2 % du chiffre d’affaires ville
Les antinéoplasiques et immunomodulateurs représentent la classe la plus importante du marché officinal en valeur (25,0 %), suivis par les médicaments du système nerveux central (14,1 %) et par les médicaments de l’appareil digestif et du métabolisme (10,2 %).
Le médicament est un élément clé de soutien à la transformation des hôpitaux
Le secteur hospitalier comptait 2 976 établissements au 31 décembre 2022 selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). Soit 1 338 établissements publics, 658 établissements privés à but non lucratif et 980 cliniques privées à caractère commercial.
Le médicament joue un rôle majeur et néanmoins méconnu dans le processus d’économies sur le budget hospitalier.
Contrairement à de nombreux autres pays occidentaux, la France a choisi de faire de l’hôpital le sas d’entrée du progrès médical et thérapeutique.
Cela a abouti à des résultats spectaculaires sur le plan de la relation médicament-hôpital.
Aux grands progrès historiques (quasi-suppression de la chirurgie gastrique grâce aux antiulcéreux, trithérapie pour les patients atteints du VIH, désormais traités en ville, nouveaux traitements de l’hépatite C limitant les greffes de foie…), il faut ajouter la diminution de la durée des séjours et l’augmentation du coût moyen d’une journée d’hospitalisation (quantité, technicité et qualité des soins accrues).
Le médicament, par l’impact organisationnel qu’il peut générer, peut être vecteur d’économies structurelles pour les établissements de santé et, plus généralement, pour le système de soins.
Une étude menée par le cabinet Jalma en 2016 s’est intéressée à l’impact de l’innovation en cancérologie sur l’organisation des soins en France.
Dans un premier temps, les auteurs ont comparé, de manière rétrospective, le recours aux anti-TNF alpha dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, et les économies qui en ont découlé en France et en Allemagne, en ne prenant en compte que les dépenses de santé.
Les résultats démontrent que si la France avait connu une organisation similaire à celle de l’Allemagne, elle aurait économisé 70 millions d’euros supplémentaires pour les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde sur trois ans (période 2004-2007).
Cette différence s’explique notamment par le circuit de prise en charge des anti-TNF. En effet, en France, l’administration se fait à l’hôpital dans 60 % des cas, contre seulement 10 % en Allemagne, où les services hospitaliers ont été redimensionnés en conséquence.
Fort de ce constat, les auteurs ont alors cherché à analyser l’impact des prochaines innovations et à estimer les économies réalisables par la réorganisation de l’offre de soins.
L’étude s’est intéressée au cancer de la prostate métastatique. L’économie cumulée à dix ans, hors coût du médicament, a été évaluée à 365 millions d’euros, soit un allègement du coût de cette pathologie de 12,7 %.
Le médicament peut être pourvoyeur d’économies supplémentaires, à condition que le système de soins s’adapte, à la suite de l’arrivée d’innovations ou de produits améliorant la prise en charge des patients.
Une promotion réglementée et encadrée par des bonnes pratiques contenues dans la charte de la visite médicale
La publicité pour les médicaments à usage humain est définie comme toute forme d’information, y compris le démarchage de prospection et d’incitation visant à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de ces médicaments.
La publicité pour un médicament n’est possible qu’après l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché (article L. 5122-1 du Code de la santé publique).
La réglementation prévoit des dispositions spécifiques à la publicité des médicaments, selon qu’elle est destinée au public ou aux professionnels de la santé.
La publicité auprès du public pour un médicament n’est admise qu’à la condition que celui-ci ne soit pas soumis à prescription médicale, qu’il ne soit pas remboursable par les régimes obligatoires d’assurance maladie et que l’autorisation de mise sur le marché ou l’enregistrement ne comporte pas de restrictions en matière de publicité auprès du public en raison d’un risque possible pour la santé publique.
Le contrôle de la publicité pour les médicaments est exercé par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), après avis de la commission chargée du contrôle de la publicité et de la diffusion de recommandations sur le bon usage des médicaments.
Chaque année, les entreprises du médicament sont redevables d’une contribution sur leurs dépenses de promotion ; le montant de cette taxe est de l’ordre de 142 millions d’euros en 2023.
L’assiette et les taux de taxation sont définis dans le Code de la Sécurité sociale et sont régulièrement modifiés par les lois annuelles de financement de la Sécurité sociale.
Les activités de promotion sont en outre encadrées par de bonnes pratiques contenues dans la charte de la visite médicale.
L’industrie pharmaceutique en France : un marché national administré dans un marché international concurrentiel
La France représente 3 % du marché pharmaceutique mondial.
A l’international, le médicament opère dans un marché concurrentiel, tandis qu’en France, le marché pharmaceutique est administré par les pouvoirs publics.
Cette dualité du marché français, contraint à la fois par la concurrence avec les autres pays et par une régulation croissante à l’échelon national, questionne son attractivité et sa soutenabilité.
Malgré une croissance brute importante, l’évolution du chiffre d’affaires net des médicaments remboursés entre 2009 et 2019 est restée atone.
Cette absence de croissance surprend, alors même que le vieillissement de la population, l’augmentation de l’incidence et la chronicisation des cancers et l’arrivée d’innovations décisives auraient pu entraîner un emballement de la dépense.
Elle s’explique par un contrôle strict de la dépense par les pouvoirs publics au travers de multiples leviers de régulation.
Un marché national régulé
En effet, dès 1975, pour faire face à une récession importante, des décisions sont prises pour enrayer la dépense pharmaceutique (diminution ou suppression du remboursement de certaines spécialités, baisse de prix, augmentation de la participation des assurés…).
La régulation s’intensifie dans les années 1990 avec l’instauration de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) en 1995 et la mise en place d’une clause de sauvegarde en 1999 (lire l’encadré plus loin).
Les lois de financement annuelles de la Sécurité sociale (LFSS) organisent l’équilibre entre les dépenses et les recettes de l’Assurance maladie autour de quatre grandes enveloppes (médecine ambulatoire, hôpitaux soumis à la tarification à l’activité, autres établissements de soins et établissements médico-sociaux). La mise en place, depuis 2004, de plans annuels de baisses de prix, a eu une incidence forte sur la croissance du chiffre d’affaires du médicament remboursable.
La régulation économique du médicament se fait dans un cadre conventionnel Etat/industrie.
L’accord-cadre Leem-CEPS définit les modalités de négociation des prix des médicaments remboursables entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les laboratoires. Il prévoit également des dispositions contraignantes pour l’industrie (voir chapitre « Prix, résultats et fiscalité »).
Néanmoins, ces dernières années, la diversité des outils mis en place par les pouvoirs publics (CEPS, HAS, Uncam) a multiplié les outils de régulation extraconventionnels.
Au-delà des baisses de prix, les référentiels de bon usage et les rémunérations sur objectifs de santé publique (ROSP), ou le début d’encadrement des prescriptions hospitalières, renforcent la maîtrise des volumes et, par conséquent, limitent la croissance du chiffre d’affaires.
La dépense en médicaments consentie par l’Assurance maladie, qui va contraindre le chiffre d’affaires du secteur, est définie lors de la construction du budget de l’Assurance maladie dans le cadre de la LFSS.
Jusqu’en 2018, le Code de la Sécurité sociale prévoyait la fixation d’un taux de croissance du chiffre d’affaires des médicaments.
Ce taux, négatif en 2015 et en 2016, a pu constituer un signal défavorable pour l’investissement de l’industrie en France, et a été dissocié en 2017 pour réguler séparément les médicaments délivrés en ville (taux Lv) et à l’hôpital (taux Lh). En 2018, l’équilibre de ces taux (0 % pour Lv et 3 % pour Lh) revenait à contraindre le marché pharmaceutique agrégé (ville et hôpital) à un taux de croissance de 0,9 %.
A compter de 2019, le montant de la dépense est désormais défini en France par une unique enveloppe, englobant la ville et l’hôpital (enveloppe M).
Une croissance affectée par le système de régulation
Le taux de croissance annuel moyen a diminué de 7 points en quinze ans. Il s’établissait à 7 % au début des années 2000. Il se situe à 2,4 % en 2020, après une croissance de 1,3 % en 2019.
Entre 2019 et 2021, la croissance du marché pharmaceutique s’est révélée fluctuante, notamment à cause de la pandémie de Covid-19 qui a fortement affecté la consommation de médicaments en 2020, ainsi que le report comptable de remises liées à l’exercice 2019 sur l’exercice 2020 (ce report a artificiellement majoré le chiffre d’affaires 2019 et minoré le chiffre d’affaires 2020, et majore donc artificiellement la croissance 2021).
La période 2021-2023 témoigne d’un marché dynamique.
L’évolution du chiffre d’affaires brut du médicament (avant remises et clause de sauvegarde) a ainsi triplé, passant de 3 % à la fin des années 2010 à près de 10 % en 2022.
Cette croissance est principalement stimulée par la mise sur le marché de nouveaux médicaments ou de nouvelles indications. Malgré l’augmentation exponentielle prévue des remises (x1,6 entre 2021 et 2023) et de la clause de sauvegarde (x2,9 prévus), la croissance du marché net reste positive. Néanmoins, elle demeure inférieure au taux d’inflation sur la période (5,2 % en 2022).
En effet, le marché pharmaceutique est pris en étau entre une régulation croissante et un contexte économique général très inflationniste.
Bien que toujours soumise à une régulation très importante, la croissance du chiffre d’affaires net des médicaments rejoint aujourd’hui celle de l’Ondam.
Ainsi, le chiffre d’affaires net des médicaments devrait être supérieur à la croissance de l’Ondam, hors dépenses Covid-19, en 2024.
La régulation de la dépense en médicaments s’appuie sur quatre leviers : les remises, les baisses de prix, la maîtrise médicalisée et la clause de sauvegarde.
1. Les remises permettent à l’Assurance maladie de payer un prix inférieur au prix public pour certains médicaments.
Celles-ci sont reversées chaque année par les industriels concernés.
Elles sont définies conventionnellement entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les entreprises pour certains médicaments (4 % des produits inscrits faisant l’objet de remises négociées) ou sont définies par la loi dans certains cas. Elles constituent le premier levier de régulation (voir graphique 33).
2. Les baisses de prix sont conclues entre le CEPS et les entreprises commercialisant des médicaments remboursables en France (voir graphique 34).
3. La maîtrise médicalisée correspond à des actions mises en place par l’Assurance maladie ayant pour objectif d’améliorer la pertinence des prescriptions et la consommation de médicaments (voir graphique 35).
4. La clause de sauvegarde se déclenche lorsque le chiffre d’affaires net des médicaments est supérieur au montant M voté lors de la LFSS (voir graphique 36).
Avec la clause de sauvegarde, c’est le principal levier de régulation du médicament.
En 2023, le montant des économies s’est chiffré à 842 millions d’euros en prix bruts, et 779 millions d’euros en prix nets selon la méthodologie retenue pour l’Ondam.
L’objectif voté en LFSS 2023 était pour rappel de 825 millions d’euros. En 2024, cet objectif a été fixé à 850 millions d’euros.
La clause de sauvegarde : un outil de régulation en voie de détournement Lors de sa création, la clause de sauvegarde se voulait être un garde-fou pour faire face à une augmentation inattendue des dépenses de médicaments. Une imprévisibilité néfaste pour les entreprises Les estimations initiales des montants de clause de sauvegarde à reverser par les entreprises reposent sur une estimation de l’atterrissage du chiffre d’affaires (CA) net en fin d’année N de l’ensemble des entreprises sur le champ des médicaments régulés. Or, le montant final payé par les entreprises en janvier 2023 s’est révélé près de 2 fois supérieur aux estimations initiales. 2023 & 2024 : années plafond pour la clause de sauvegarde ? Le PLFSS 2023 avait fait l’objet de débats nourris entre le Leem et l’administration sur la fixation du montant M. |
Quelle régulation dans les autres pays européens
Dans le contexte de la sortie de crise sanitaire, qui a fortement pesé sur l’ensemble des systèmes de santé, le médicament fait l’objet d’une régulation économique dans beaucoup de pays européens, notamment via un mécanisme de clause de sauvegarde.
Néanmoins, les modalités de mise en œuvre de cette taxe particulière varient d’un pays à un autre. Par exemple, les génériques sont soumis au même mécanisme que les médicaments princeps dans la plupart des pays concernés, à l’exception de l’Estonie, de la Roumanie et de la Slovaquie.
La répartition est basée sur les parts de marché, la croissance ou d’autres dispositifs selon les pays.
Si, en France, le poids de cette régulation pèse exclusivement sur les industriels, alors qu’ils ne contrôlent pas les quantités prescrites, d’autres pays ont décidé de responsabiliser les différents acteurs impliqués. En Belgique, la clause de sauvegarde est payée par les industriels mais aussi par les assureurs.
En Italie, le gouvernement a estimé que les administrations régionales avaient une responsabilité dans la croissance de la dépense en médicaments. La clause de sauvegarde est donc financée par les laboratoires et par les régions.
L’essentiel en France
73,3 milliards d'euros
Chiffre d'affaires réalisé en 2023 par l'industrie pharmaceutique, dont 47,1 % à l'export (médicament pris en charge par AM et export).
779 millions d'euros
Montant des baisses de prix nets en 2023.
83,9 %
Part des génériques en volume dans le répertoire en 2023.
7,3%
Croissance du chiffre d'affaires des biosimilaires entre 2022 et 2023.
142 millions d'euros
Montant de la taxe sur la promotion payée par les entreprises du médicament en 2023.