Le médicament et sa mise au point
Les antibiotiques, c’est fini ?
Mais, à l’heure actuelle, ces médicaments ne sont plus aussi efficaces en raison de bactéries devenues résistantes. La montée de ce phénomène – l’antibiorésistance – a suscité une prise de conscience mondiale, et des initiatives partenariales tentent de prendre ces superbactéries de vitesse.
(Maj : 08.01.2024)
décès par an en France en raison de l’antibiorésistance.
Une quarantaine d’antibiotiques est en développement clinique.
● L’efficacité remarquable des antibiotiques depuis la commercialisation de la pénicilline, dans les années 1940, a motivé leur utilisation massive et répétée en santé humaine et animale.
● Le suivi de Santé Publique France montre un bond de 16,6 % entre 2021 et 2022 de la consommation d’antibiotiques, avec 800 prescriptions pour 1000 habitants en 2022. Alors qu’un recul était observé depuis 2012, avec une baisse importante en 2020, cela fait deux années consécutives que les prescriptions et la consommation d’antibiotiques repartent à la hausse en France (1).
● Naturellement, les bactéries développent des mécanismes de résistance pour survivre aux antibiotiques.
Aussi, en utilisant largement ces médicaments, on sélectionne les bactéries les plus résistantes, qui vont alors se transmettre d’animal à animal, d’homme à homme, voire d’animal à homme.
● Ponctuelles au départ, ces résistances sont devenues massives, certaines bactéries – les superbactéries – sont même résistantes à tous les antibiotiques disponibles. Les bactéries résistantes aux antibiotiques sont ainsi responsables, chaque année, de près de 12 500 décès en France et d’environ 33 000 décès en Europe.
Dans les scénarios les plus alarmants, on estime que, d’ici 2050, l’antibiorésistance pourrait faire jusqu’à 10 millions de victimes par an et coûter jusqu’à 100 000 milliards de dollars à l’économie mondiale.
● La solution serait de trouver de nouveaux antibiotiques permettant de garder une longueur d’avance sur les bactéries. Malheureusement, les entreprises – petites et grandes – s’investissent peu dans ce champ, faute de modèle économique viable, puisqu’il leur est demandé de développer des antibiotiques innovants qui seront utilisés le moins possible.
● Face à la montée de ces superbactéries tueuses, la prise de conscience a été mondiale et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié, le 27 février 2017, la liste des familles de bactéries résistantes aux antibiotiques et classées selon leur dangerosité pour l’homme (2).
● En 2015, l’OMS a adopté un plan d’actions global, recommandant aux Etats d’élaborer un plan national sous le concept d’« une seule santé » (One Health), fondé sur une collaboration intersectorielle et interdisciplinaire pour renforcer les liens entre santé humaine, santé animale et gestion de l’environnement, et permettre un usage raisonné des antibiotiques. La France a défini une feuille de route en 2016.
● En France, un programme prioritaire de recherche (PPR) national destiné à l’antibiorésistance doté de 40 millions d’euros sur 10 ans et piloté par l’Inserm a été annoncé en janvier 2020.
● Pour préserver le plus longtemps possible l’efficacité des antibiotiques disponibles, il faut prévenir la dissémination des résistances. Cela passe par la mise en place de mesures d’hygiène (comme simplement se laver les mains), la vaccination, qui permet d’éviter de nombreuses infections bactériennes, mais aussi par le bon usage des antibiotiques.
C’est-à-dire pour les médecins : utiliser les antibiotiques en choisissant la bonne molécule, pendant la bonne durée et uniquement lorsque cela est nécessaire.
Et pour les patients : prendre son traitement pendant toute la durée sans oublier de doses. Il s’agit aussi de rappeler que les antibiotiques ne doivent pas être utilisés en cas d’infections virales, comme les rhinopharyngites, la grippe, les bronchiolites et certaines angines.
● Pour combattre la résistance, il faut améliorer la prévention des infections et l’usage approprié des antibiotiques chez l’homme comme chez l’animal. Les solutions ne peuvent donc être que partenariales, associant tous les acteurs de la chaîne des soins, sans négliger pour autant les incitations à rechercher et produire de nouveaux antibiotiques.
Les entreprises du médicament soutiennent donc l’approche One Health /Une seule santé.
● Une vingtaine d’entreprises du médicament sont actives dans la recherche d’alternatives ou de nouveaux antibiotiques.
● Les industriels se sont investis dans la recherche amont avec le programme New Drugs 4 Bad Bugs (ND4BB) et sur l’économie du développement d’antibiotiques (incitations, transferts de propriété intellectuelle…) à travers le programme Drive-AB, tous les deux lancés à l’échelle européenne sous la houlette de l’Initiative médicaments innovants (IMI).
● Ils ont créé en 2017 l’AMR Industry Alliance (3) pour fournir des solution afin de réduire la résistance aux antimicrobiens.
Elle regroupe plus de 100 sociétés de biotechnologie, du diagnostic et de la pharmacie.
Ces entreprises sont engagées dans des projets nationaux et internationaux au travers de partenariats multipartites pour lutter contre l’antibiorésistance (exemples de partenariats public-privé : CARB-X, Human Vaccine Project, Compacting Bacterial Resistance in Europe).
● En 2020, plus de 20 grandes sociétés pharmaceutiques se sont mobilisées et ont créé le Fonds d’action contre l’antibiorésistance (AMR Action Fund) afin d’investir près d’un milliard de dollars dans la recherche et le développement d’antibiotiques et de soutenir le pipeline pour les prochaines années. Le Fonds d’action contre l’antibiorésistance est désormais le plus grand partenariat public-privé au monde à soutenir le développement de nouveaux antibiotiques.