Tribune de Philippe Lamoureux : « Verdir l’industrie pharmaceutique, oui mais dans les règles de l’art ! »
Alors que les Accords de Paris imprègnent peu à peu les entreprises du médicament, les industriels placent leurs pas dans le chemin tracé par le Projet de loi Industrie Verte ; j’en veux pour preuves la mise en place d’une Commission Transformation Industrielle et Transition écologique au sein du Leem ou encore la feuille de route décarbonation élaborée par le Comité stratégique de la filière Industries et technologies de santé (CSF).
En ce 5 juin 2023, Journée Mondiale de l’Environnement, j’aimerais partager avec vous la dynamique du Leem sur le sujet. Celle qui voit le développement durable comme un atout, plus qu’une contrainte. Celle qui veut contribuer à l’effort déjà initié par l’Europe et la France, à sa propre échelle. Celle qui voit nettement la fresque du climat se découper à l’horizon, mais qui assume la route ardue à parcourir. Concrètement, comment les entreprises du médicament s’engagent-elles pour protéger l’environnement ?
En 2021, le Leem a proposé à ses adhérents un plan d’engagement sociétal en 6 axes, parmi lesquels « Renforcer la contribution du secteur à la protection de l’environnement ». Cet axe environnemental est décliné en 4 engagements :
Premier enjeu incontournable : Contribuer activement aux objectifs fixés par les Accords de Paris : c’est-à-dire rester sous le seuil des 1,5°C de réchauffement planétaire établi par lesdits Accords pour le scope 1 et 2, et sous 2°C pour le scope 3, en réduisant l’empreinte carbone des entreprises du médicament en France. Pour information, Le scope 1 représente les émissions directes de gaz à effet de serre (GES) produits par l'entreprise, le scope 2 correspond aux émissions indirectes liées à l'énergie, mais qui ne se produisent pas directement sur le site de l'entreprise et enfin le scope 3 est lié aux émissions indirectes qui ne sont pas sous le contrôle de l'entreprise. Au niveau mondial, Le secteur pharmaceutique générerait 52 millions de tonnes de Co2 par an, soit l’équivalent d’un pays comme la Suisse (Source : The Journal of a Cleaner production), il est impératif que nous agissions de manière collective. Les lignes ont commencé à bouger : Parmi les 280 entreprises adhérentes du Leem, certainent remplacent l’avion par le train pour acheminer leurs médicaments. D’autres alimentent leurs sites par de l’électricité d’origine 100 % renouvelable. Les données recueillies par le Leem en 2022 auprès des laboratoires nous permettent aujourd’hui de construire un plan de décarbonation à horizon 2030, en cohérence avec la feuille de route du CSF.
Puis, Améliorer l’empreinte environnementale des déchets d’emballage. Selon l’ADELPHE, c’est environ 71 000 tonnes d’emballages de médicaments qui seraient utilisés en France par année. Dans la continuité de la loi « AGEC » relative à la lutte contre le Gaspillage et à l'Economie Circulaire, l’industrie pharmaceutique entend placer l’« éco-conception » au cœur des initiatives responsables. De sa conception à son utilisation, un médicament a tout au long de son cycle de vie des impacts environnementaux : sur le climat et la qualité de l’air, la biodiversité, la qualité de l’eau et même, du sol. Le secteur pharmaceutique, travaille à l’identification des sources de pollution et à des solutions réalistes pour les diminuer. L’un de nos adhérents a même déjà supprimé les plastiques à usage unique sur ses sites tertiaires, devançant la feuille de route de sortie du plastique pour appliquer la stratégie 3R du gouvernement (3R pour recyclage, réduction, réemploi). Une démarche volontaire et ambitieuse, qui marque la volonté du secteur de lutter proactivement contre le changement climatique, pour la santé de tous.
Agir pour diminuer l’impact de ses activités sur la biodiversité et contribuer à sa protection : autre enjeu aux multiples facettes pour l’ensemble de la chaîne de valeur du médicament. Le Leem accorde une attention particulière aux résidus pharmaceutiques dans l’environnement, et en particulier dans l’eau. A ce stade, il s’agit de cartographier la liste des substances pouvant impacter l’environnement, de collaborer aux travaux de l’Intelligence-led Assessment of Pharmaceuticals in the Environment (iPiE) pour la mise en place d’indicateurs de suivi à l’aide de l’Intelligence Artificielle, comme le « Hazard Score », évoqué lors de la conférence de l’ABUM du 30 mai 2023. Plusieurs initiatives inspirantes ont pris forme récemment pour préserver la biodiversité, comme la gestion durable des espaces verts, la suppression de gobelets en plastiques sur certains sites ou encore, le choix de fournitures de bureau responsables.
Finalement, le dernier engagement : Être acteur de la santé environnementale, qui reprend le concept « One Heath », en mettant en évidence les liens étroits entre la santé humaine, celle des animaux et l’état écologique global. Ce concept, utilisé par l’ANSES et le gouvernement, promeut une approche pluridisciplinaire et globale des enjeux sanitaires.
Être acteur de la santé environnemental, cela a du sens en tant qu’industriel, mais aussi en tant que patient. Cet engagement porte ainsi l’ambition de permettre à chacun de nos concitoyens d’être acteur de son environnement et de sa santé, c’est-à-dire de mieux comprendre et mieux connaître les risques auxquels il est exposé afin de pouvoir agir pour réduire son exposition.
Tous les acteurs de la chaîne du médicament ont un rôle à jouer pour transformer le paysage. Petits ou grands laboratoires, activités industrielles ou commerciales, c’est tout type d’entreprises du secteur qui peut agir. Le cap est tracé, l’horizon visible. Les entreprises du médicament doivent à présent intensifier leur force d’impact en harmonisant leurs bonnes pratiques : préférer le marbre à l’aquarelle, le fauvisme à l’impressionnisme…Comment autrement redonner ses couleurs à notre planète bleue ?