Tribune de Grégoire Moutel : Transparence, liens et conflits d’intérêts
Comment gérer les liens, prévenir les conflits d’intérêts et promouvoir la transparence dans le champ sanitaire et particulièrement des partenariats en santé ? La question est, à juste titre, au cœur des débats publics. Et pour cause, la garantie d’impartialité des décisions prises en santé – et en particulier concernant le médicament – est un socle fondamental. A la suite de certains scandales sanitaires, un cadre législatif et réglementaire rigoureux a émergé, renforcé au fil du temps, et accompagné de la mise en place d’un dispositif déontologique professionnel pour les entreprises du médicament, dont le Codeem (Comité de déontovigilance et d’éthique des entreprises du médicament) est le des garants.
Deux dispositifs ont ainsi vu le jour, le premier dès 1993, le dispositif “encadrement des avantages” ayant pour objectif la prévention de la corruption, le second en 2011 (avec la loi dite “Loi Bertrand”), de prévention et de détection des conflits d’intérêts dit de « Transparence ». Ce deuxième dispositif repose sur deux outils : la base Transparence-Santé où les entreprises du médicament déclarent leurs liens avec 9 catégories d’acteurs du monde de la santé dont les professionnels de santé, les associations de professionnels de santé, mais aussi les associations d’usagers du système de santé et la base DPI Santé où les personnes participant à la décision et à l’expertise sanitaire déclarent leurs liens.
A ce jour, le système est ainsi construit sur la base de trois piliers que le Codeem considère comme essentiels :
- la généralisation des obligations déclaratives d’intérêts,
- la transparence dans la prise de décision des commissions d’expertise, par l’enregistrement des débats et la publication des comptes rendus,
- la transparence des avantages consentis par les entreprises du médicament aux professionnels de santé, notamment par leur publication sur la base de données publique Transparence - Santé.
Le sujet des cadeaux est désormais réglé et derrière nous, puisqu’ils sont totalement interdits par le cadre déontologique en place depuis 2011 dans le secteur du médicament. Par ailleurs, les industriels du médicament partagent des liens de travail naturels et essentiels avec les professionnels du monde de la santé. Ces liens peuvent s’accompagner de financements et de prises en charge de frais (contrats de partenariat, contrats de recherche scientifique, prise de parole, frais professionnels, inscription et hospitalité́ dans le cadre de congrès ou d’événements scientifiques...). Ces émoluments, qualifiés de « montants des conventions », de « rémunérations » ou d’« avantages » dans la loi Bertrand, doivent être publiés et rendus publics au nom du principe de transparence. Le Code de la santé publique prévoit ainsi la publication de ces éléments sur un site internet unique public (https://www.transparence.sante.gouv.fr). Ces déclarations constituent ainsi une base de données accessible à tous, dite base Transparence-Santé.
Le principe de transparence et sa mise en œuvre doivent bien sûr être réaffirmés et soutenus, mais le Codeem se questionne sur le type de transparence souhaité par notre pays et le sens précis à lui donner pour pouvoir assurer une expertise de qualité́ tant au plan technique que déontologique. Au-delà̀ des principes généraux, il est fondamental de regarder et d’évaluer la façon dont sont prises en compte et interprétées les déclarations d’intérêts.
Retrouvez la tribune complète dans le dernier numéro de la revue trimestrielle de « Les Tribunes de la santé ».
Les sujets abordés :
- Indépendance : deux écueils à éviter
- Préserver l’excellence de l’expertise des professionnels de santé et des experts académiques ainsi que celles des patients et des associations de patients
- Penser plus largement l’éthique de l’expertise
- Evaluer la pertinence des outils de la transparence