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SantExpo 2024 : « Soigner mieux… avec moins »

22.05.24
Et si la recherche de sobriété faisait partie intégrante de la démarche de soin ? Entre nécessité médicale et économies de santé, cette notion – soigner mieux avec moins – s’invite aujourd’hui dans le débat. Juste prescription des produits de santé, bon usage des médicaments, lutte contre la iatrogénie, révision des traitements... c'est l’ensemble des acteurs de la santé qui doit se mobiliser. Lors d’une table ronde organisée le 21 mai par le Village des entreprises du médicament au salon SantExpo, cinq intervenants ont échangé sur ce sujet.

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Il n’y a encore pas si longtemps, « soigner mieux avec moins » aurait semblé une injonction contradictoire tant nous assimilions le progrès au « toujours plus ». Nous sommes fin août 2023, les experts de la mission « Financement et régulation des produits de santé » mandatée par la première ministre de l’époque (Elisabeth Borne) remettent leur rapport et consacrent ainsi la nouvelle expression « sobriété médicamenteuse ». La question économique prend alors des tournures philosophiques.

Moins de médicaments, vraiment ?

« Aujourd’hui, nous grandissons avec cette préoccupation de la limitation des ressources », commente Marine Bichet, étudiante en pharmacie et vice-présidente en charge de l’Industrie de l’ANEPF. « Il en découle des changements profonds de nos modes de vie, de nos habitudes... ». Le médicament ne déroge pas à la règle. Depuis 2018, la France n’est plus la championne européenne de la consommation. Et c’est tant mieux. « Il y a plusieurs enjeux. D’une part, un enjeu de santé publique important à moins consommer certains produits de santé qui peuvent avoir des effets néfastes sur les patients, comme les benzodiazépines », explique Charles-Emmanuel Barthélémy, adjoint à la sous-directrice Politique des Produits de santé et qualité des Pratiques à la DGS. « D’autre part, un enjeu collectif de maîtrise budgétaire ».

Mais attention à ne pas chercher la diminution à tout prix. « Le terme « sobriété » est adapté pour la consommation d’alcool, de viande rouge mais pas forcément pour le médicament », alerte Nicolas Bouzou, économiste. « Si vous avez besoin d’un médicament, il faut le prendre. Le vrai sujet qui va permettre de faire des économies n’est pas la sobriété mais l’efficience ».

L’efficience plutôt que la sobriété

Effectivement, comme le souligne Eric Baseilhac, conseiller spécial de la Directrice générale du Leem, « ce n’est pas un hasard si le terme de « sobriété médicamenteuse se retrouve dans un rapport qui vise à réfléchir à la réforme structurelle du financement ». Avec le vieillissement de la population, le développement de l’innovation, les dépenses explosent. D’autant plus que la santé est un bien supérieur, une aspiration croissante des concitoyens pour laquelle les besoins augmentent beaucoup plus rapidement que les revenus. « Nous avons une enveloppe limitée et nous n’avons pas le choix : il faut réussir à mieux consommer », reconnaît Charles-Emmanuel Barthélémy.

Si les efforts de productivité semblent inévitables, reste la question du comment faire. Plusieurs pistes semblent exploitables.

Le trio gagnant : bon usage, prévention, innovation

Le premier levier, c’est le bon usage. Il fait d’ailleurs partie des sujets retenus dans le rapport de la mission interministérielle sur le financement et la régulation des produits de santé. « Le mésusage génère chaque année 10 000 décès et 130 000 hospitalisations en France[1]. Soit plusieurs milliards d’euros par an mal investis… », alerte Virginie Lasserre, directrice des affaires externes de Janssen France. « Il faut lutter contre cela, pour la santé des patients et pour l’économie du pays ». La dernière Loi de financement de la sécurité sociale a d’ailleurs porté un objectif chiffré important (300 millions d’euros d’économies sur les volumes de médicaments) qui nécessite la mobilisation de tous, dont les entreprises du médicament. « Le Leem et ses adhérents ont fait preuve de réactivité et ont retenu trois priorités de travail : la prévention de la polymédication chez les personnes âgées, la lutte contre l’antibiorésistance et le gaspillage », ajoute Virginie Lasserre. Ce qui compte au final, c’est la juste prescription : le bon traitement, pour la bonne personne, au bon moment.

Deuxième levier et non des moindres : la prévention. Tout le monde s’accorde sur l’importance de la prévention pour améliorer l’efficience. « Pourtant, il y a une problématique de temporalité », se désole Guillaume Racle, conseiller économie et offre de santé à l’USPO. « La prévention est un investissement immédiat pour des effets à long-terme donc il est très difficile pour les politiques de franchir le pas ». D’autant plus qu’il faut conjuguer la santé publique de long-terme à une régulation annuelle par les Lois de financement de la sécurité sociale… Pour Nicolas Bouzou, « la pluri-annualité est le sujet essentiel. Aujourd’hui, la comptabilité publique est très simple : il faut que les dépenses rentrent dans la trésorerie. Nous devrions réfléchir à plus long-terme. Et mener des politiques qui permettront de faire des économies, en veillant toutefois à ne pas les mettre en place dans cette unique optique ». Concrètement, il ne s’agit pas ne pas travailler sur l’activité physique pour gagner des années d’espérance de vie à long-terme mais plutôt pour obtenir un effet immédiat sur la santé physique et mentale. La démarche est différente.

Troisième levier : l’innovation. Les médicaments innovants et les nouvelles technologies (intelligence artificielle, santé numérique…) permettent de dépenser moins ailleurs : hospitalisations, déplacements des malades, arrêts de travail, mobilisation d’aidants... Des gains d’efficience à prendre en compte pour réduire notre déficit et répondre à nos besoins croissants. A condition bien sûr d’identifier et de mesurer ces effets.

 

 


[1] Association pour le Bon Usage du médicament, https://bonusagedumedicament.com/