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SantExpo 2024 : « Transition écologique : que fait l’industrie pharma ? »

23.05.24
26,3 millions de tonnes de CO2 émises par le secteur pharmaceutique chaque année. Si nous étions un pays, nous serions le 5e plus gros émetteur au monde ! C’est pourquoi le secteur s’est considérablement mobilisé et peut constituer un acteur majeur de la transition écologique. En 2023, le Comité Stratégique de Filière (CSF) des Industries et Technologies de Santé a révélé la feuille de route dédiée à la décarbonation, inscrite dans le cadre de la Planification Écologique du Système de Santé. Sur le salon SantExpo, entretien avec Etienne Tichit, Président de Novo Nordisk et pilote de l’axe décarbonation du CSF.

Entretien réalisé par Pascal Le Guyader, directeur général adjoint du Leem

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En tant que pilote du CSF, vous connaissez bien les objectifs du secteur : réduire les émissions de 50 % sur les scopes 1 et 2 et de 25 % sur le scope 3 à l’horizon 2030[1]. Où en sommes-nous ? Comment agissez-vous au sein de votre entreprise pour y parvenir ?

La première chose que nous avons mis en évidence dans le cadre de nos travaux avec le CSF, c’est que 80 % de nos entreprises étaient déjà engagées et avaient entrepris une démarche de décarbonation. C’est énorme. Maintenant, si nous regardons plus dans le détail, nous sommes sur des trajectoires de baisse de 30 à 35 % des émissions d’ici une quinzaine d’années. Si nous voulons tenir les objectifs des accords de Paris, il va falloir accélérer et réussir à faire cela en 10 ans …

Chez Novo Nordisk, nous avons commencé par travailler sur l’outil industriel, avec avant tout un engagement sur les bâtiments bas carbone. Nous diminuons de 50 % nos émissions pour chaque nouveau bâtiment construit sur les sites de production Novo Nordisk.. Ensuite, il y a le mix énergétique : tous nos sites de production fonctionnent à 100% à partir d’énergies renouvelables et nous avons un mix énergétique propre qui nous est propre ! Par exemple, notre site de Chartres est alimenté par de la biomasse et du biogaz et, dans le cadre du projet d’extension en cours, nous prévoyons l’installation de panneaux solaires sur l’ensemble des nouveaux bâtiments de production. De plus, étant donné que le projet s’intègre dans une zone industrielle préexistante, le doublement la superficie du site se fera avec zéro artificialisation des sols. Nous allons également réutiliser 96% des matériaux issus de la démolition d’un ancien bâtiment dans nos futures installations.

Fin 2025, toutes les entreprises du secteur devront avoir fait leur bilan carbone. Comment peut-on parvenir à actionner l’ensemble d’un secteur ?

Il faut créer un effet d’entraînement. Dans les 15 mesures de la feuille de route de la filière, une priorité est d’abord d’accompagner les entreprises dans la réalisation de leur bilan carbone. En 2022, seules 40 % des entreprises l’avaient fait. L’important est que cet accompagnement tienne compte de la réalité des industriels. Aujourd’hui, nous travaillons – en collaboration avec des entreprises de profils différents – sur un référentiel commun pour leur permettre d’évaluer les sites. C’est un travail de proximité avec les acteurs de terrain et je suis extrêmement vigilant à ce que la feuille de route soit ancrée dans la réalité des industriels et de leurs sous-traitants.

Le secteur du médicament est déjà engagé dans la transition écologique, mais nous pourrions probablement aller encore plus loin. Quels sont les freins aux actions que vous identifiez ?

Plutôt que de freins, j’ai envie de parler de leviers. Nous avons des objectifs de réduction d’utilisation de l’eau chez Novo Nordisk, il s’agit juste de bon sens. Pour faire des économies, il faut engager, sensibiliser, fixer des objectifs, acculturer et former toutes les équipes. Mais tout ne peut pas être du ressort des entreprises seules, d’autant plus qu’avec l’urgence climatique, l’inflation et la clause de sauvegarde l’équation devient très compliquée. Il faut absolument que l’Etat s’implique. Je pense à la pluriannualité. Lorsque nous avons un projet industriel, ce n’est pas sur une année mais sur 3 à 5 ans selon sa nature. Il nous faut plus qu’une politique de subventions, il nous faut une politique de santé pluriannuelle pour dynamiser la filière.

 

 

[1] En fonction de leur origine, l’ADEME propose un découpage par scope qui permet de catégoriser les différentes sources d’émissions de gaz à effet de serre. Le scope 1 correspond aux émissions de gaz à effet de serre (GES) directement émises par les activités de l’entreprise (émissions directes issues de combustibles fossiles. Le scope 2 couvre les émissions de GES indirectes associées à la consommation d’énergie, qui surviennent en dehors des installations de l’entreprise (émissions indirectes résultant de la production d'énergie achetée et consommée par l'organisation). Le scope 3 inclut les émissions de GES indirectes qui échappent au contrôle direct de l’entreprise, englobant souvent les activités en amont et en aval de la chaîne de valeur.