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Favoriser la recherche et l’accès aux innovations en santé mentale et psychiatrie

10.10.24
Face aux enjeux de santé publique, sociaux et économiques que pose la santé mentale, un collectif d’industriels s’est constitué depuis 2022 sous l’égide du Leem afin de mieux comprendre les freins à l’innovation et formuler des propositions susceptibles d’améliorer la qualité de vie et la prise en charge des patients.

Une problématique de santé publique qui affecte plus de 8,5 millions de personnes prises en charge avec des conséquences sociales et économiques majeures

Depuis la crise sanitaire liée au Covid-19, plusieurs enquêtes témoignent de la dégradation de la santé mentale en France. Selon une enquête diligentée par Santé Publique France[1] près d’un français sur quatre présentaient, au cours de l’année 2022, des signes d’un état anxieux et un sur six reconnaissaient un état dépressif inscrivant de façon durable et importante l’impact de la crise sanitaire et plus généralement du contexte actuel sur la santé mentale. Ainsi, le nombre de jeunes avec une maladie psychiatrique a augmenté de 19,8% entre 2019 et 2022 (12-25 ans)3 et parmi eux, 24% des lycéens ont déclaré avoir eu des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois[2]. Déjà, le rapport Charges et produits 2023 constataient une hausse des passages aux urgences pour idées suicidaires chez les 18-24 ans fin 2022 tandis qu’un tier des plus de 75 ans souffrent de symptômes dépressifs et 5% à 10% de dépressions sévères[3].

En France en 2022, 8.5 millions de personnes ont été prises en charge pour une pathologie ou un traitement chronique en lien avec la santé mentale2. La prévalence de la santé mentale atteint en France près de 17% et concerne l’ensemble de la population[4].

Son impact sur les dépenses de santé est considérable et les dépenses de l’assurance maladie (maladies psychiatriques et traitements chroniques par psychotrope) ne cessent de croitre : elles s’élevaient à 23.3Md€ en 2020 et à 26,2Md€ en 2022 soit 14% des dépenses totales principalement liées aux séjours hospitaliers (maladies cardiovasculaires : 26,1 Md€, 14% des dépenses ; cancer : 24Md€, 13% des dépenses)2. A ces dépenses, il convient d’ajouter celles liées aux pathologies somatiques très souvent associées (cancers, risques cardiovasculaires, …) ou aux conséquences sociales et économiques, bien plus élevés[5].

L’ensemble des couts directs et indirects (perte de qualité de vie, perte de productivité) a ainsi été estimé en France à 160 milliards d’euros[6] et représente à l’échelle de l’Europe plus de 4% du PIB de l’UE[7], faisant de la santé mentale un enjeu majeur de santé publique.

 

Alors que des mesures ont commencé à être prises pour adresser ces problématiques, les entreprises du médicament restent mobilisées pour permettre notamment une juste prescription des médicaments, une prise en charge et un accès aux innovations équitable pour tous les patients et appellent à faire de la santé mentale une Grande Cause nationale.

 

  1. Assurer un continuum du parcours de soins et rapprocher la psychiatrie de la médecine de ville La moitié des patients (50 %) atteints d’un trouble psychiatrique sévère connaîtrait une rechute le conduisant à l’hôpital dans les deux ans. Or, selon le rapport charges et produits 2024, les dépenses d’hospitalisation représenteraient 1.7 fois les dépenses en soins de ville. Il y a un enjeu à assurer le continuum après l’hôpital et de manière plus générale à rapprocher la psychiatrie de la médecine de ville et ce d’autant que ce manque de liaison a aujourd’hui pour effet d’engendrer une sur-prescription de psychotropes et un cout médico-social alourdi.
    Des actions visant à identifier de possibles solutions pour améliorer la prise en charge et l'organisation d'un parcours de soins optimisé et coordonné entre psychiatres et psychologues (libéraux), s'appuyant sur l'intelligence artificielle et la recherche clinique, ont d’ores et déjà été initiées mais pourraient être explorées.
    Le Leem se tient prêt pour renforcer la communication sur cet enjeu et pour travailler en concertation avec la CNAM, pour créer les prémices d’une meilleure coordination et permettre une meilleure maitrise médicalisée de la prescription en santé mentale.
  2. Le modèle de financement des établissements publics de santé mentale limite l’accès équitable aux innovations ainsi que la prise en charge des soins somatiques intercurrents. Les patients qui souffrent de problèmes de santé mentale sont en effet très souvent affectés par d’autres pathologies : cancers, maladies métaboliques, cardio-neurovasculaires,…. La prise en charge cardiovasculaire inadéquate des patients souffrant de problèmes psychiatriques générait en 2018 un surcout net de 100M£ pour le NHS3. Par ailleurs, les établissements spécialisés en psychiatrie ne bénéficient pas de dispositifs particuliers leur permettant de délivrer des traitements onéreux, comme c’est le cas en MCO ou SSR[8]. En France, selon les régions et les établissements, les patients se voient parfois contraints à des ruptures de traitements pour l’une ou l’autre de leurs pathologies, psychiatrique ou somatique. Ainsi, l’assurance maladie observe que les hospitalisations en santé mentale sont souvent associées à de courts séjours en MCO9. Cette contrainte financière pèse bien évidemment fortement sur l’accès à l’innovation tout en étant potentiellement source de couts supplémentaires (interruptions de soins et conséquences associées).
  3. Au-delà de l’accès aux innovations, leurs évaluations restent difficiles et pèsent sur l’accès au marché. Une analyse prospective réalisée par le Leem montre en effet que plusieurs affections psychiatriques (schizorphrénie, syndrome dépressif majeur ou encore troubles bipolaires) comptent parmi le top 10 des indications adressées par les industriels dans l’aire thérapeutique neurologie/psychiatrie qui constituent la 2ème aire à concentrer les investissements recherche après l’oncologie. Celles-ci nécessiteraient comme le soulignait la mission régulation de renforcer la place des cliniciens dans les différentes procédures mais aussi l’exploration ou la définition de critères plus robustes concernant les méthodes d’essais cliniques, la typologie et le recueil de données, la participation active ou encore la prise en compte des retours des patients.

Pour stimuler l’innovation, optimiser la prise en charge et la qualité de vie des patients, le Leem porte 12 propositions articulées autour de 3 grands défis :

  • Assurer un continuum du parcours de soins hors de l’hôpital
    En engageant des actions concertées de maitrise médicalisée entre les industriels et les autorités
    En intégrant pleinement les outils digitaux dans la prise en charge des patients
  • Garantir un accès équitable à l’innovation pour les patients sur l’ensemble du territoire
    en définissant la valeur apportée par les solutions thérapeutiques ou digitales à travers un meilleur consensus autour de comparateurs avec la conception de nouvelles modalités d’essais cliniques (biomarqueurs biologiques et sociaux) et en valorisant la perspective patient.
    en permettant un accès équitable aux innovations pour les patients en établissements de soin psychiatrique par la mise en place d’un dispositif équivalent à ce qui a été instauré en SSR[9], afin de permettre la prise en charge des soins onéreux et éviter les interruptions de soins couteuses d’un point de vue médical, économique et sociétal.
  • Soutenir l’avancée et la mutualisation des connaissances entre la recherche publique et la recherche privée 
    en coordonnant la recherche autour d’enjeux prioritaires
    en soutenant les initiatives de structuration et de coordination susceptibles de favoriser les synergies publique/privée et de renforcer l’attractivité de la recherche clinique

 

Retrouvez la plateforme santé mentale du Leem : Plateforme de propositions en santé mentale du Leem - Septembre 2023 | Leem

Retrouvez la tribune "Santé mentale : des industriels se mobilisent" de Virginie Lasserre, Présidente du Comité Santé mentale du Leem, publié par Grand Angle Santé dans le Monde : Santé mentale : des industriels se mobilisent - Grand Angle Santé (grandanglesante.fr)

 

[1] Enquête coviprev

[2]  La santé mentale et le bien-être des collégiens et lycéens en France hexagonale - Résultats de l’enquête EnCLASS

2022, Santé publique France, 2024

[3] Rapport « Charges et Produits pour 2024 » de l’Assurance maladie

[4] Global Health Data Exchange, ghdx.healthdata.org 

[5] Les parcours dans l’organisation des soins en psychiatrie – Février 2021. Cour des Comptes.

[6] Laeticia BLAMPAIN (2021) URC Eco, FondaMental. Coût des maladies psychiatriques en France en 2018

[7] Conférence ministérielle sur la santé mentale des jeunes vulnérables. 14 et 15 mars 2022. PFUE

[8]  MCO : médecine, chirurgie et obstétrique ; SSR : soins de suite et réadaptation

[9] Le modèle SSR définit une enveloppe cible en début d’exercice modulée à l’activité pour permettre la prise en charge les molécules onéreuses de MCO, les traitements intercurrents dont le cout journalier est supérieur à une fraction du prix de journée moyen et des molécules spécifiques de SSR.