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L’intelligence artificielle, nouveau moteur de l’innovation pharmaceutique

10.02.25
Accélération de la découverte de nouvelles molécules, optimisation des essais cliniques, amélioration du suivi des usages, meilleure information médicale, identification d’éventuels effets secondaires plus rapidement ou encore suivi et adaptation de la production et des stocks… l’intelligence artificielle (IA) est en passe de transformer en profondeur le secteur du médicament. Grâce à ses capacités d'analyse et de traitement de données massives, elle offre des perspectives inédites à toutes les étapes du développement, de la production, de l’usage et de la distribution du médicament.

Pour répondre aux enjeux de santé publique et permettre aux patients de bénéficier de traitements adaptés, sûrs et personnalisés, les industriels du médicament se sont déjà emparés de cette technologie.

I. Des applications multiples au bénéfice des patients

L'intelligence artificielle transforme en profondeur le cycle de vie du médicament. Les entreprises du médicament regorgent d’ores et déjà d’applications au bénéfice du patient.

  1. Modéliser : les jumeaux numériques

Un jumeau numérique est une représentation virtuelle d'un objet ou d'un système physique qui permet une surveillance, une analyse et une optimisation en temps réel. Plusieurs types de jumeaux numériques existent aujourd’hui, ils permettent déjà de modéliser des problématiques de production, logistiques. D’autres se développent pour simuler et modéliser des systèmes biologiques complexes afin d'obtenir des informations approfondies, d'accélérer la découverte et le développement de vaccins ou de médicaments innovants. Ils permettent de mieux comprendre les mécanismes des maladies, de prédire l'efficacité des médicaments, d’optimiser des schémas de traitement, de mieux identifier les options les plus prometteuses, de réduire le nombre de patients à recruter dans les essais cliniques et encore d’éviter les traitements devenus inutiles. On en trouve notamment dans le domaine du système immunitaire humain, de l’oncologie, des vaccins...

Ces jumeaux numériques sont souvent le fruit de collaborations avec des partenaires publics et/ou privés (start-up, industriels du numérique) :

  • Le projet européen BigPicture[1] dans le cadre des Innovatives health initiative (IHI) s’attèle à établir la plus grande base de données d’images médicales pour développer des applications d’IA en anatomopathologie.
  • Des répliques numériques en 3D de tumeurs de patients, construites avec des cliniciens chercheurs anglais permettent de cultiver virtuellement et en temps réel les cellules cancéreuses et, par des approches d’apprentissage automatique, de prédire de façon personnalisée la réaction à différents médicaments ou combinaisons de médicaments.
  • Des collaborations ont permis l’élaboration de jumeaux numériques pour optimiser chaque phase de la recherche, du développement et de la production de vaccins, en passant par la diminution des déchets et la baisse de la consommation d’énergie.
  1. Tester de nouvelles hypothèses

Les plateformes réunissant de grands modèles de langage, différents agents d’IA spécialisés, des données sur les maladies, voire des données d’essais cliniques, permettent aux chercheurs de tester rapidement de nouvelles hypothèses.

Par exemple, des modèles de langage très complets sur les maladies génétiques rassemblent plus de 700 milliards de données pour cartographier l'expression et l'activité fonctionnelle des gènes. L’intérêt est d’accéder, de traiter et d’analyser de vastes quantités de données qualifiées et complexes, de mener des expériences à très grande échelle et d’obtenir des réponses en quelques heures seulement contre plusieurs semaines ou mois auparavant. La combinaison de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage automatique (« AI/ML »), avec la génétique humaine et la génomique fonctionnelle permet d’identifier plus rapidement des cibles thérapeutiques et de mieux prédire l’efficacité des traitements.

  1. Découvrir de nouvelles molécules

L'IA facilite l’exploration et l'analyse de vastes bases de données chimiques ou biologiques virtuelles pour identifier de nouvelles molécules susceptibles d’être efficace dans une maladie mais aussi pour prédire des interactions avec d’autres molécules, des effets secondaires potentiels…

Les industriels disposent de bibliothèques de molécules chimiques leur permettant d’analyser plus de 4,5 milliards d'ingrédients actifs en moins de 48 heures. La puissance des algorithmes de calcul à base d'IA accélère l’identification et la sélection des molécules qui auront le plus de chance de fonctionner. Le couplage entre l’IA et les supercalculateurs permet de réduire de 80% à 90% les temps de calcul.

Par exemple, sur 3 millions de molécules chimiques à tester dans la recherche d’un traitement contre la covid-19, l’IA a permis de n’en retenir que 600 en sélectionnant notamment celles avec la forme d’administration la plus simple (voie orale) afin de ne pas rajouter de charge aux hopitaux. L’IA a également permis de réduire drastiquement (16 mois au lieu de 4 ans) le temps de développement d’un traitement contre la covid 19.

  1. Accélérer le développement des médicaments

Une fois les potentiels traitements sélectionnés, synthétisés et analysés, les essais cliniques évaluent leur efficacité et leur tolérance chez l’homme. Les essais cliniques virtuels ou simulés, basés sur des jumeaux numériques de patients, permettent de réduire le nombre d'essais physiques nécessaires. Cela offre un potentiel d’accélération du développement des médicaments tout en réduisant les risques et les coûts associés aux essais « traditionnels »​.

Par exemple, l’efficacité des études cliniques a été améliorée de 5 à 10 % réduisant par ailleurs de moitié le temps nécessaire au développement d’un vaccin contre un virus responsable de bronchiolites et de pneumonies (VRS). Soit un gain de deux ans des essais sur ce vaccin. Dans le développement de vaccins et d’antiviraux contre la covid-19, le taux de réussite clinique est passé 7 % à 18 % fin 2022 grâce à la puissance de calcul et au développement de modèles prédictifs en temps réel des taux de prévalence régionaux pour aider à la sélection et à l’optimisation des sites d'essais cliniques. Cette approche a permis en seulement quatre mois, d’étendre un essai clinique du vaccin à 46 000 participants sur 150 sites dans 6 pays.

  1. Optimiser l’accès des patients
  • Affiner les profils de patients chez qui les traitements pourraient être les plus efficaces. En amont de la réalisation de l’essai clinique, l’IA permet d’évaluer les réactions potentielles au traitement et d’identifier les groupes de patients pour lesquels le traitement pourrait être le plus efficace.

Dans le cadre du développement d’un traitement contre l’hépatite B chronique, l’apprentissage automatique et le développement d’algorithmes ont permis d’identifier plusieurs sous-types distincts de patients, en fonction de leur réponse au traitement. Par comparaison avec des méthodes traditionnelles, il a été possible de quasiment doubler la capacité à prédire correctement les résultats futurs pour les patients.

Demain l’enjeu serait de pouvoir prédire et anticiper d’éventuels échecs de traitements selon les profils de patients et de pouvoir proposer le cas échéant des traitements innovants en développement potentiellement plus appropriés.

  1. Améliorer la sécurité du médicament
  1. Délivrer une information plus pertinente

Des développements d’IA existent pour améliorer la collaboration dans un environnement international et, en surmontant les barrières linguistiques, garantir la diffusion rapide et précise d’informations médicales essentielles.

Dans certains pays, des approches d’IA fournissent des conseils personnalisés et accompagnent les patients dans le suivi de leur maladie, en particulier pour ce qui concerne les maladies chroniques ou complexes​. Pour que ces applications puissent voir le jour en France, des adaptations réglementaires et des approches de gouvernance sont encore nécessaires.