PRODUCTION DU MÉDICAMENT : COMMENT RETROUVER UNE AUTONOMIE STRATÉGIQUE ?
Investir, sécuriser l’approvisionnement et accélérer la bioproduction. La stratégie industrielle défendue par le Leem porte une ambition : permettre à la France de retrouver sa première place européenne des pays producteurs de médicaments. 1ère de 1995 à 2008, la France est aujourd’hui le 4ème producteur européen de médicaments (en valeur, avec 21 milliards d’euros produits) derrière la Suisse, l’Allemagne et l’Italie. Elle est talonnée de près par l’Irlande et le Royaume-Uni. La situation est délicate, pas irréversible. Renforcer la compétitivité des sites de production pour les médicaments matures tout en accélérant les capacités de production des biomédicaments dont les thérapies innovantes (MTI), c’est ce double défi que doivent aujourd’hui relever entreprises du médicament et pouvoirs publics pour repositionner la France aux avant-postes de la production pharmaceutique européenne. Les 10 propositions présentées par le Leem ce matin sont autant de pistes d’action concrètes pour y parvenir.
Améliorer la compétitivité de l’outil industriel existant
Afin de conserver le savoir-faire en matière de production de médicaments d’origine chimique et d’accroître les capacités françaises existantes, le Leem propose d’adapter la fiscalité pour en faire un outil de renforcement de la production sur le sol national et un levier de relocalisation de la production de certains principes actifs et de produits finis.
Le Leem milite pour la mise en œuvre de politiques de filières par classes thérapeutiques stratégiques en vue de la relocalisation de leur production. Parallèlement à ces mesures, il convient de définir de nouveaux axes de travail pour assurer une gestion logistique efficiente lors des futures crises sanitaires. A ce titre, la crise de la Covid-19 nous permet déjà de tirer quelques enseignements qui pourraient être généralisés :
• Travailler sur la flexibilité et la polyvalence des moyens de production (assouplissements réglementaires pour produire plus rapidement sur des sites back-up) ;
• Protocoliser la centralisation des achats par l’Etat en cas de crise sanitaire, sur le modèle de ce qui a été fait pour certains produits de réanimation ;
• Adapter l’offre de service à la gestion de la crise et mettre en œuvre des mesures de sécurisation des approvisionnements des industriels ;
• Sécuriser la production pharmaceutique en garantissant un accès aux fournitures indispensables au fonctionnement des sites industriels (masques, blouses…).
Attirer la production de médicaments de thérapie innovante sur le territoire
Face à un outil de production pharmaceutique en France dédié à 80 % aux médicaments d’origine chimique, le deuxième axe majeur du Leem vise à attirer en France la recherche et la production des thérapies innovantes d’avenir, composantes nouvelles de la pharmacopée. Le CSIS 2018 a identifié cette filière comme stratégique et s’est engagé à mettre en place de nouveaux mécanismes afin que la France devienne l’un des leaders mondiaux pour l’industrialisation et la production de ces médicaments de thérapies innovantes (MTI). Cette position est appuyée par le Comité Stratégique de Filière des Industries et Technologies de Santé (CSF ITS) qui a souligné en mai 2019, l’accélération des capacités de production des thérapies innovantes comme une occasion unique pour la production pharmaceutique française de retrouver sa position de leader en Europe. Le Leem a mandaté le cabinet AEC Partners, afin d’identifier les leviers à actionner pour que la France occupe une place stratégique dans le paysage industriel de demain, notamment dans les activités de bioproduction. Trois leviers ont été identifiés :
• Le premier levier vise à mettre en place en France un véritable écosystème de bioproduction avec la création de lieux et de réseaux de collaboration, une adaptation des parcours de formation pour conserver les compétences disponibles pour les métiers de demain.
• Le deuxième, qui consiste en un meilleur accès à un financement adapté, repose sur un financement facilité pour les capacités et technologies de bioproduction pour les essais cliniques afin de retenir les donneurs d’ordres français et attirer les donneurs d’ordre étrangers.
• Enfin, le dernier levier doit permettre d’améliorer l’attractivité de la France pour la bioproduction, en uniformisant les différentes réglementations aujourd’hui en vigueur pour les MTI (médicaments, OGM, cellules souches…), et en déployant une politique incitative claire et forte via des mesures fiscales, des mesures régionales d’accompagnement pour l’investissement dans les infrastructures (terrain, bâtiments, …) ou encore une clarification du CIR et son extension sous forme d’un Crédit-Impôt Développement Industriel (CIDI).
« La crise a révélé la fragilisation du tissu industriel français, sur laquelle le Leem alerte depuis des années, analyse Frédéric Collet, président du Leem. Les 10 propositions du Leem présentées aujourd’hui sont des pistes tangibles pour le renforcer. Ces propositions s’imbriquent parfaitement avec les annonces faites par le Président de la République et par le Premier Ministre au travers du Plan France Relance. Nous partageons la même ambition : renforcer la compétitivité de l’outil de production français de médicaments matures et innovants. Cette compétitivité est essentielle pour assurer une autonomie sanitaire stratégique et redonner à l’industrie du médicament en France sa place de leader européen en termes d’innovation et d’industrialisation. Mais cette compétitivité de l’outil industriel doit être pensée dans sa globalité. Elle ne peut pas être déconnectée de l’ensemble de la chaîne qui doit rester attractive depuis la recherche clinique, jusqu’à l’accès des patients aux médicaments, en passant par la production. »
10 propositions du Leem pour une politique industrielle du médicament ambitieuse
Priorité n° 1 – INVESTIR
Proposition 1 : Instauration d’un dispositif de suramortissement des investissements productifs
(déduction exceptionnelle d’impôt en vue de moderniser les sites industriels)
Proposition 2 : Prise en compte des investissements sur le territoire national ou européen (R&D, production, digitalisation) dans la politique conventionnelle au travers d’un contrat d’appui à l’investissement (stabilité de prix, crédits CSIS, prix à l’export…).
Priorité n° 2 – SÉCURISER L’APPROVISIONNEMENT
Proposition 3 : Fixation d’un prix plancher pour les médicaments dont la soutenabilité d’approvisionnement européen n’est plus assurée pour des raisons économiques
Proposition 4 : Introduction d’une clause de critère d’origine dans les appels d’offre hospitaliers quand il existe une production européenne
Proposition 5 : Travailler, en lien étroit avec l’ANSM, à la flexibilité et à la polyvalence des moyens de production (assouplissements réglementaires pour produire plus rapidement sur des sites alternatifs)
Proposition 6 : Mettre en place un marquage d’origine sur les conditionnements des médicaments afin de reconnaitre et valoriser la production européenne.
Priorité n° 3 – ACCÉLÉRER LA BIOPRODUCTION
Proposition 7 : Extension du Crédit-Impôt Recherche (CIR) sous forme d’un Crédit-Impôt Développement Industriel (CIDI) pour répondre à la problématique du développement industriel, souvent couteux pour une biothérapie.
Proposition 8 : Création d’un fonds stratégique d’investissement dédié à la bioproduction pour renforcer les capacités industrielles des acteurs du secteur à chaque étape de la chaîne de production et favoriser la montée en puissance de CDMO (Contract Development and Manufacturing Organizations) dans le secteur des biothérapies innovantes.
Proposition 9 : Mise en place d’une task-force pluridisciplinaire pour adapter la réglementation des biothérapies au regard des innovations de demain.
Proposition 10 : Création d’un statut de Jeune Entreprise Productrice de biothérapies innovantes (JEPBI) sur la base du statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI)