Tribune de Thierry Hulot et Laurence Peyraut : Pour monter sur le podium des grandes puissances pharmaceutiques, la France doit transformer l’essai !
Mais ils rappellent également la nécessité d’engager sans tarder le chantier de remise à plat du financement et de la régulation des produits de santé.
Ce lundi 13 mai, le Président de la République réunit à Versailles de nombreux acteurs économiques mondiaux au sommet Choose France, baptisé cette année « France, terre de champions ».
Encore une fois, le secteur du médicament a largement répondu présent, avec près de 15 entreprises biopharmaceutiques internationales représentées à Versailles, mais aussi des entreprises françaises, dont l’engagement s’exprime aussi bien dans nos régions qu’à l’international.
Après les milliards d’euros d’investissements déjà annoncés par le secteur pharmaceutique lors des précédentes éditions des sommets Choose France, l’industrie du médicament continue d’être l’un des secteurs les plus contributifs, avec cette année plus de 2 milliards d’euros d’investissements annoncés sur le territoire français.
Création ou renforcement de capacités industrielles, investissements en décarbonation, investissements dans la recherche, soutien à la production de traitements installés, ou investissements dans des thérapies de nouvelle génération, tous ces engagements témoignent du potentiel économique et scientifique de notre secteur. Dans la compétition mondiale pour capter la production et la recherche pharmaceutiques, notre industrie continue d’être l'une des plus contributives, au service de la souveraineté de notre pays.
Aujourd’hui plus que jamais, au regard des stratégies volontaristes déployées dans d’autres régions du monde, et d’une revendication aujourd’hui universelle à la souveraineté sanitaire et pharmaceutique, la France doit renforcer ses positions si elle veut compter parmi les grandes puissances de demain.
Pour être considérée comme un champion mondial de l’innovation et de la production de médicament, elle doit oser ce que d’autres ont fait avant elle : une politique de santé adaptée aux enjeux contemporains, qui pose un cadre d’exercice clair, lisible, prédictible, pour que toute dépense en santé puisse être conçue comme un investissement au service de la population.
Pour cela, il est à nos yeux une urgence majeure : que soit enfin engagé le chantier de remise à plat du financement et de la régulation des produits de santé. Nos outils et nos politiques ne sont plus adaptés pour relever les défis en santé : vieillissement de la population, innovations thérapeutiques qui rebattent en profondeur les modes de prise en charge et ouvrent des perspectives jusqu’alors insoupçonnées, enjeu de la sécurisation de nos approvisionnements en médicaments matures… tous ces défis doivent nous conduire à reconsidérer la manière dont nous pilotons nos politiques de santé, et dont nous concevons nos instruments de financement et de régulation.
Une mission interministérielle a planché durant plusieurs mois sur ce sujet, à la demande de Matignon. Un rapport complet a été remis fin août dernier au gouvernement. Il est urgent d’en tirer les enseignements !
Les entreprises du médicament sont des vecteurs stratégiques du développement industriel et sanitaire de la France. Elles ne peuvent plus être considérées comme des variables d’ajustement budgétaire, ainsi que l’a déclaré le Président de la République en juin 2023.
Exemplaires depuis de nombreuses années en termes de contribution aux économies de santé, ces entreprises se voient aujourd’hui lourdement fragilisées en France du fait d’une gouvernance éclatée, où la détermination politique s’enlise dans d’innombrables circuits de décision. Au prix d’une perte de temps, d’une perte de cap, d’une perte de lisibilité, qui fait le jeu des concurrents de la France pour attirer les investissements pharmaceutiques.
Oui, la compétitivité et l’attractivité globales de la France se sont renforcées, et c’est une bonne nouvelle ! Mais dans le champ des industries de santé, elle peut et elle doit encore s’améliorer :
En simplifiant et en clarifiant la gouvernance de la politique du médicament ;
En révisant en profondeur les approches de financement des produits de santé ;
En revenant sur des mécanismes de régulation aujourd’hui considérés comme confiscatoires dans leur montant, et générant une très forte insécurité du fait de leur imprévisibilité ;
En contenant et simplifiant la fiscalité appliquée aux entreprises du médicament, aujourd’hui la plus lourde et la plus complexe d’Europe ;
En inscrivant les stratégies de financement de la santé dans une perspective pluriannuelle, ainsi que le réclament depuis des années la quasi-totalité des acteurs de santé ;
En clarifiant nos politiques d’évaluation et de prise en charge des innovations thérapeutiques, pour donner à chaque Français les meilleures chances face à la maladie ;
En consolidant les conditions d’exploitation des molécules matures, par une soutenabilité économique renforcée.
Nous, entreprises du médicament, continuons de croire qu’une France, championne industrielle en santé, est une ambition atteignable. Cette vision a déjà été tracée par le Président de la République en 2021, les moyens d’y parvenir ont été également dessinés par la mission gouvernementale de 2023 et les acteurs du médicament se tiennent prêts à y contribuer. Les investissements annoncés cette année encore à Choose France par notre secteur en sont la preuve.
Nous n’attendons pas un traitement de faveur. Juste que les visions s’incarnent dans des actes pour soigner notre souveraineté.
Thierry Hulot, Président du Leem
Laurence Peyraut, Directrice générale du Leem