Production : transformer l'essai en France
La France, qui a pris tardivement le virage de la production des premiers anticorps monoclonaux, ne peut se permettre un nouveau retard compétitif sur ses voisins européens.
Pour le Leem, la promotion et le développement de cette filière doivent s’inscrire dans les travaux du prochain CSIS (1). La production de médicaments de thérapies géniques et cellulaires pour certains cancers et maladies rares s’avère en effet un levier compétitif indispensable pour revaloriser la production pharmaceutique du territoire français. Un levier qu’il convient d’actionner sans tarder.
Un solide maillage industriel, des investissements et des emplois à la clef…
La France dispose d’un solide tissu industriel dans le médicament avec 32 sites de bioproduction, représentant plus de 8 463 emplois directs, soit 19 % des emplois de la production pharmaceutique et 8,6 % de l’emploi total du secteur. La cartographie réalisée par AEC Partners pour le Leem montre une concentration des sites en région Rhône-Alpes et dans le bassin francilien. 9 des 32 sites de bioproduction prévoient des extensions et pour 3 d’entre eux des créations de sites ou d’unités de bioproduction dans les années à venir, soit près de 1 000 nouveaux emplois dans les cinq années à venir. La France possède par ailleurs quatre structures innovantes en capacité de fabriquer des lots commerciaux de biomédicaments dans le domaine des thérapies cellulaires et géniques (CELLforCURE, et Yposkesi) et des vecteurs viraux (ABL Europe et Sanofi Genzyme).
... mais un retard conséquent sur ses principaux concurrents mondiaux
Malgré ces indéniables atouts compétitifs, la France peine toujours à se positionner par rapport à ses principaux rivaux européens et mondiaux pour la production de médicaments biologiques. Depuis 2012, seuls deux biomédicaments (hors vaccins et biosimilaires) ayant reçu une AMM européenne ont été fabriqués en France. La France, avec ce faible ratio, se trouve loin derrière les Etats-Unis impliqués dans la production de près de la moitié des substances actives biologiques autorisées par l’EMA entre 2012 et 2016 (37 sur les 76 autorisées). Avec actuellement 191 produits de thérapies cellulaires et géniques en phases cliniques en Europe, la production de ceux-ci constitue pour l’avenir un enjeu stratégique pour la France.
Une bioproduction française encore trop « vaccins-dépendante »
Autre enseignement de l’étude AEC Partners, l’offre française de bioproduction présente un tropisme très marqué sur la production de substances biologiques matures, comme les vaccins, les protéines recombinantes, et l’extraction protéique à partir de liquide biologique. Près du tiers des sites de bioproduction produisant en propre (hors sous-traitant) ont une activité de production de vaccins. Les 4 sites produisant uniquement des vaccins en propre (Sanofi Pasteur à Marcy l’Etoile, Neuville sur Saône et Val de Reuil, et Mérial à Saint-Priest) représentent 4 693 emplois soit 63 % des emplois de la bioproduction en France.
Amplifier les capacités de production sur les thérapies innovantes
Les capacités de production de lots commerciaux limitées des sites français recensés par l’étude AEC Partners questionnent sur l’aptitude de la France à attirer la production de médicaments biologiques. Seuls 3 sites français proposent une offre intégrant lots cliniques et commerciaux sur des protéines recombinantes et/ou extraites. Même scénario avec les thérapies cellulaires et géniques qui restent l’apanage de quelques rares sites français bien souvent focalisés sur un ou deux types de produits biologiques. Pourtant, la production des prochaines thérapies innovantes présente un enjeu compétitif majeur dans un contexte d’érosion de la production pharmaceutique française. Celle-ci est passée, en une décennie, du 1er au 4ème rang des nations européennes (2) . Ce déclin relatif appelle à une relance énergique de la politique industrielle, notamment dans le cadre du prochain CSIS. Accélérer nos capacités de production sur les thérapies innovantes, c’est offrir à la production pharmaceutique française une occasion unique de retrouver sa position de leader en Europe.
« Alors que nos voisins européens ont pris le chemin de la cohérence productive, de l’intelligence compétitive, de l’équilibre territorial, nous en sommes encore à rassembler les pièces éparses du puzzle français de la bioproduction, indique Patrick Errard, président du Leem. La cartographie d’AEC Partners est porteuse d’enseignements sur les retards de la France mais aussi ses atouts et les moyens de combler ce retard. Une chose est sûre, comme ce fut le cas avec la production d’anticorps monoclonaux, il n’y aura pas de session de rattrapage. Les échéances politiques qui se profilent à court terme – le prochain CSIS, la nouvelle stratégie de santé sans oublier le plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) - doivent être de précieuses caisses de résonnance pour porter auprès des plus hautes sphères de l’Etat le sujet central car stratégique de la bioproduction en France. Et repositionner durablement la France dans le concert des nations innovantes. »
(1) Conseil stratégique des industries de santé (CSIS)
(2) La France est désormais dépassée par la Suisse, l’Allemagne et l’Italie.