Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020 - Un texte incohérent avec les objectifs du CSIS en matière d’accès des patients aux traitements et d’attractivité du territoire
Avec 920 millions de baisses de prix annoncés sur le médicament, ce PLFSS s’inscrit dans la lignée des précédents. Le Leem rappelle que, sur ces cinq dernières années, le total des baisses de prix effectives a atteint le montant record de 5 milliards d’euros, fragilisant tout l’eco-système de santé et installant progressivement notre pays dans une situation de dépendance sanitaire pour l’approvisionnement en médicaments.
La politique de régulation, menée depuis plus d’une décennie en France, a en effet des conséquences réelles et mesurables sur le secteur : recul des positions françaises au plan industriel et en matière de recherche, incapacité à attirer la production de nouveaux médicaments sur le territoire, stagnation de l’investissement et de l’emploi, atonie des exportations…
« Alors que les principaux pays européens redonnent, grâce à des politiques volontaristes, des marges de manœuvre à leurs entreprises de santé pour faciliter l’accès des populations aux innovations thérapeutiques, la France se marginalise par une régulation dissuasive et prive les entreprises du médicament de réelles perspectives de développement », rappelle Frédéric Collet, Président du Leem.
L’effort disproportionné demandé aux entreprises du médicament pour financer le déficit de la Sécurité sociale s’inscrit en totale contradiction avec les objectifs du 8ème Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) de 2018, réaffirmé par le Président de la République et le Premier Ministre en juillet dernier, qui faisaient le pari de l’attractivité de la France dans une compétition internationale de plus en plus vive. Les signaux envoyés par ce PLFSS interrogent sur la cohérence de la politique du médicament et risquent d’accroître le décrochage compétitif sur lequel le Leem alerte depuis des années.
L’accumulation des mécanismes de régulation ne pénalise plus uniquement les entreprises du médicament, elle menace désormais l’accès des patients français aux traitements, comme en témoigne :
1. L’indisponibilité pour les patients français d’une part de plus en plus importante des médicaments autorisés ailleurs en Europe * (40 % des médicaments autorisés par l’EMA ces trois dernières années ne sont pas disponibles pour les patients français - plus de trois fois moins en Allemagne et au Royaume-Uni).
2. Les délais d’accès au marché (quatre fois plus longs qu’en Allemagne et qu’au Royaume-Uni) qui placent la France au 23ème rang européen, entre la Slovénie et la Bulgarie.
3. Le déclin de la part des patients français dans les essais cliniques internationaux alors que l’inclusion dans les programmes de recherche constitue, pour des patients en attente de solutions thérapeutiques, le mode d’accès le plus précoce à l’innovation.
4. La multiplication des ruptures d’approvisionnement. Alors que le Gouvernement a récemment annoncé un durcissement des sanctions appliquées aux industriels en cas de ruptures d’approvisionnement de médicaments, il contribue, par de nouvelles baisses de prix massives, à créer les conditions de ces ruptures en encourageant le phénomène d’exportations parallèles et en dissuadant certains opérateurs industriels de venir approvisionner le marché français. Les tensions et les ruptures d’approvisionnement de médicaments constituent un sujet de mobilisation prioritaire pour les entreprises du médicament, comme en témoignent le plan d’actions formulé au mois de février dernier, ainsi que leur engagement aux côtés des pouvoirs publics et des patients.
5. La multiplication des appels d’offre hospitaliers infructueux, car de nombreuses entreprises du médicament ne sont plus en mesure de répondre aux conditions de ceux-ci, fragilisant la disponibilité de certains médicaments pour les patients.
6. La réticence des entreprises devant l’illisibilité et l’imprévisibilité croissantes des mécanismes d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU). PLFSS après PLFSS, l’ATU s’est éloignée de son objectif premier : permettre un accès précoce à l’innovation.
7. La gestion de la liste en sus qui génère d’innombrables inégalités d’accès aux traitements largement constatées tant par les professionnels de santé que par les associations de patients.
« L’innovation constitue plus que tout autre sujet le défi majeur mais aussi l’opportunité de modernisation la plus importante pour notre système de santé. En conséquence, nous devons de toute urgence abandonner cette régulation incohérente, illisible et inadaptée à notre capacité à développer et à proposer aux patients des traitements de rupture », insiste Frédéric Collet, Président du Leem.
* Etude EFPIA, 2018