Régulation économique du médicament : pourquoi n’est-elle plus adaptée ?
L’approche comptable court-termiste imposée par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) doit évoluer.
A défaut d’anticipation, chaque innovation continuera d’être vécue comme un coût pour la collectivité quand c’est d’abord une opportunité pour les patients.
Chiffres :
1 910 M€. C’est le montant total d’économies pour le médicament dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2020, soit 45 % des économies de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam)
Contexte :
● La loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) détermine une fois par an les conditions nécessaires à l’équilibre financier de la Sécurité sociale et fixe les objectifs de dépenses en fonction des prévisions de recettes.
● Le médicament, qui ne représente plus que 12 % des dépenses de santé (contre 15 % il y a dix ans), supporte 45 % des économies de la branche maladie dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2020, en tenant compte de l’ensemble des mesures de régulation (baisses de prix, augmentation des remises, maîtrise médicalisée des dépenses, déremboursements…).
● La contribution annuelle du médicament aux économies de l’Assurance maladie a plus que doublé entre 2013 et 2019, passant d’1,5 milliard d'euros à 3,1 milliards d'euros.
Enjeux :
● La politique de régulation du médicament a des conséquences sur l’attractivité de la France : recul des positions françaises au plan industriel et en matière de recherche, incapacité à attirer la production de nouveaux médicaments sur le territoire, stagnation de l’investissement et de l’emploi, fléchissement des exportations…
● L’accumulation des mécanismes de régulation ne pénalise plus uniquement les entreprises du médicament, elle menace désormais l’accès des patients français aux traitements, comme en témoigne :
o L’indisponibilité pour les patients français d’une part de plus en plus importante des médicaments autorisés ailleurs en Europe : 40 % des médicaments autorisés par l’Agence européenne des médicaments (EMA) en 2018 ne sont pas disponibles pour les patients français - plus de trois fois moins en Allemagne et au Royaume-Uni
o L’allongement des délais d’accès au marché : près de 500 jours, soit quatre fois plus qu’en Allemagne et qu’au Royaume-Uni. La France au 23ème rang européen.
o Le déclin de la part des patients français dans les essais cliniques européens : alors que 24% des essais européens étaient réalisés en France en 2012, ils ne sont plus que 14 % en 2018.
o La multiplication des ruptures d’approvisionnement : 871 signalements de ruptures de stock ou risques de ruptures de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) reçus par l’ANSM en 2018, c'est près de vingt fois plus qu'en 2008 (44 signalements) et 62 % de plus qu'en 2017.
o La multiplication des appels d’offre hospitaliers infructueux, car de nombreuses entreprises du médicament ne sont plus en mesure de répondre aux conditions de ceux-ci, fragilisant la disponibilité de certains médicaments pour les patients.
o La réticence des entreprises devant l’illisibilité et l’imprévisibilité croissante des mécanismes d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) : PLFSS après PLFSS, l’ATU s’est éloignée de son objectif premier : permettre un accès précoce à l’innovation.
Nos Actions :
● Les innovations qui se présentent vont « challenger » les mécanismes de régulation existants.
● Ce système ne tient plus ! Le levier des baisses de prix a atteint ses limites et place aujourd’hui notre secteur à contre-courant des autres pays d’Europe avec lesquels nous sommes en compétition.
● Au Royaume-Uni, la croissance régulée du médicament est programmée à 2% pour les cinq prochaines années; en Espagne, elle est indexée à la croissance du PIB (2,2 %) et en Allemagne, un accord avec les prescripteurs autorise une croissance des médicaments à 3,7%.
● La France n’a plus le choix : si elle veut garantir à ses citoyens un accès au progrès thérapeutique dans des délais acceptables, si elle veut préserver son indépendance stratégique, si elle veut défendre la compétitivité de ses chercheurs, de ses cliniciens et des entreprises installées sur son territoire, elle doit engager les réformes nécessaires.
● Il est aujourd’hui essentiel de se doter d’une cellule prospective capable d’anticiper l’arrivée des technologies innovantes et de programmer sur plusieurs années la régulation budgétaire du médicament.
● Telles sont les réformes que nous devons lancer au plus vite si nous voulons répondre aux enjeux de l’accès de tous les patients au progrès thérapeutique et de l’attractivité industrielle et scientifique de la France.