SantExpo 2024 : « Accès aux médicaments : la France et l’Europe sous pression »
Tous les patients français et européens doivent avoir accès à leurs traitements, qu’il s’agisse de médicaments matures ou de thérapies innovantes. Pourtant, aujourd’hui, ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Comment la France et l’Europe peuvent trouver des solutions résoudre ces situations ?
Un état des lieux partagé
Avant d’imaginer des solutions, l’identification de nos forces et de nos faiblesses est indispensable. « Il y a beaucoup de choses positives en France qui nous poussent à investir sur le territoire. D’abord, le dispositif de l’accès précoce qui permet de mettre les innovations à disposition d’un grand nombre de patients », reconnaît Marina Vasiliou, présidente de Biogen France. Son laboratoire pharmaceutique travaille notamment sur des maladies rares et elle souligne la présence notable en France d’un système de santé très structuré avec un plan national dédié, une filière et une planification pluriannuelle. « La prise en compte de l’amélioration du service médical rendu (ASMR) est un bon principe qui permet de valoriser l’apport des médicaments », ajoute-t-elle. Des atouts qui attirent encore de nombreux industriels. « Nous avons de plus en plus de demandes d’accès précoce », observe Charlotte Masia, cheffe du service évaluation des médicaments de la HAS.
Mais la nuance est de mise. Les dirigeants mondiaux de l’industrie pharmaceutique sont parfois moins enclins à choisir la France. « Mes responsables m’opposent des arguments parfois difficiles à défendre : le cumul des régulations, les prix bas, la clause de sauvegarde ou encore la fiscalité », atteste Marina Vasiliou. « La France peut donner très rapidement accès aux innovations, mais cet accès est-il pérenne ? ».
Valoriser la souveraineté française, européenne
Les tensions sur l’accès ne concernent pas que l’innovation. Avec l’augmentation massive de la demande et la fragilisation des chaînes de production, les médicaments matures sont particulièrement impactés. « En 2023, 37 % des Français ont été concernées par une rupture sur un médicament. Chaque officine passe en moyenne 9 heures par semaine à essayer de résoudre des problèmes de pénuries », souligne Elodie Routier, directrice des Affaires Corporate et Accès au marché de Sandoz France. Les raisons, tout le monde les connaît. 60 à 80 % des médicaments que l’on consomme en Europe ne sont pas produits en Europe, mais essentiellement en Inde ou en Chine.
« Il y a une vraie volonté du gouvernement de relocaliser la production en Europe, en France », explique Diane Dinar-Farjon, chargée de mission Industries de santé à la DGE. « Nous avons un plan de relocalisation de production des médicaments critiques, avec des aides financières et des subventions. Pour pérenniser les productions relocalisées, nous envisageons d’autres leviers comme la valorisation du lieu de production dans le prix du médicament ». Sauf que la France ne pourra tout résoudre seule. Une politique européenne est nécessaire. L’Alliance des médicaments critiques est une première étape majeure.
La chaîne de valeur dans son ensemble
Attention toutefois à ne pas résumer la souveraineté à la question de la production. « Si l’on souhaite être un leader en santé, il faut réfléchir à toute la chaîne de valeur : recherche, développement, production, parcours de soins… », tempère Marina Vasiliou. « Ce n’est pas un exercice de comptabilité mais un exercice d’investissement ». Qui implique une réflexion, un financement et une planification pluriannuelle dépenses de santé. Visibilité oblige. L’industrie pharmaceutique a répondu présente au dernier Choose France avec plus de 2 milliards d’euros investis en production et en recherche, et attend en contrepartie reconnaissance et valorisation de l’innovation. Car, au bout de la chaîne, il y a aussi l’évaluation. Charlotte Masia est optimiste : « Le gold standard reste l’essai clinique randomisé en double aveugle mais nous avons fait évoluer la doctrine pour prendre en compte et valoriser de nouvelles données (comparaisons indirectes, bras contrôle externes…) ».
Les volontés sont là, les parties prenantes s’organisent. Il reste maintenant à mettre l’ensemble en musique. « Le Leem appelle à une politique intégrée du médicament, plus lisible. Il faut investir dans le médicament pour le bien de la santé des populations et pour le bien des finances publiques », conclut Juliette Moisset, directrice de l’accès et des affaires économiques du Leem.