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Tribune de Frédéric Collet : "Pas de nouveau monde sans une vraie politique du médicament"

22.02.21
Point de vue publié dans Les Echos du Lundi 22 février 2021
Frédéric Collet

Depuis près d’un an, l’humanité combat la plus grande crise sanitaire de l’après seconde guerre mondiale.

Révélateur de nos forces et de notre résilience, ce combat met également en lumière les lacunes et les fragilités dont souffre notre pays, notamment sur le plan industriel et scientifique.

Revenons une année en arrière. Nous sommes en février 2020 et l’épidémie qui a vu le jour en Chine commence à essaimer ailleurs dans le monde… Sans en prendre la mesure, nous sommes alors sur le point d’entrer dans un nouveau monde, régi par les lois d’un virus dont nous ne connaissions rien.

Un an plus tard, considérons le chemin qui a été parcouru !

Près de 2 500 essais cliniques ont été lancés à travers le monde pour identifier une solution thérapeutique ou vaccinale. Jamais dans l’histoire de la médecine, la recherche vaccinale n’a été aussi massive et rapide. Près de 300 candidats vaccins sont développés aujourd’hui, et déjà 3 vaccins ont été approuvés en Europe et sont disponibles pour les patients Français.

En quelques mois, des progrès conséquents ont également été enregistrés dans la recherche de traitements. Nous disposons aujourd’hui de solutions thérapeutiques qui se sont révélées efficaces, et la recherche se poursuit très activement.

Ces succès ont été rendus possibles grâce aux collaborations inédites qui se sont mises en place entre des entreprises traditionnellement concurrentes. Cette crise nous a d’ailleurs rappelé deux grandes vérités : d’abord, le médicament n’est décidément pas un bien comme un autre ; ensuite, la recherche porte en elle une grande part d’incertitude, qui se traduit pour les entreprises par une très grande part de risque.

De manière plus globale, cette crise a fait apparaître la capacité de résilience de l’industrie du médicament, dont la mobilisation à l’échelle planétaire a permis de faire face à des niveaux de demandes de médicaments sans précédent. Les entreprises présentes en France ont ainsi répondu à l’urgence sanitaire avec une priorité absolue : assurer aux patients la continuité d’accès aux médicaments.

Mais la crise a mis également en lumière un certain nombre de fragilités sur lesquelles nous alertons de longue date, en particulier la dépendance de l’Europe vis-à-vis de l’étranger pour ses approvisionnements en matières premières et en médicaments, ou encore le recul de la recherche française dans une concurrence internationale de plus en plus vive, non seulement entre firmes, mais aussi désormais entre États.

Les pouvoirs publics, au travers du plan France Relance, ont été au rendez-vous. Des mesures positives ont été prises depuis l’été, afin d’infléchir la politique qui, ces dix dernières années, a consisté à mettre l’industrie du médicament sous une pression régulatrice à nulle autre pareille en Europe. De l’aveu même des pouvoirs publics, traiter le secteur en variable d’ajustement des politiques de santé nous a conduit où nous en sommes.

Il convient désormais de tirer tous les enseignements de cette crise, et de poser sans tarder les jalons d’une véritable politique du médicament en France à l’ère post-Covid. Une politique qui embrasse le médicament dans toutes ses dimensions : recherche, développement clinique, fabrication et accès. Une politique plus lisible et plus prévisible, qui réconcilie les actions de court terme et les objectifs de moyen et long terme si stratégiques pour notre secteur.

Le président de la République a annoncé la tenue, l’été prochain, d’un nouveau Conseil stratégique des industries de santé. Notre pays doit à cette occasion apporter enfin des réponses aux trois défis majeurs que la crise a mis en évidence.

Le défi de la compétitivité de notre outil de recherche, éclaté, peu lisible et paralysé par ses lourdeurs administratives. Les pays européens qui ont su avancer le plus rapidement sont justement ceux qui ont su décloisonner et créer un écosystème souple et vertueux entre recherche publique, sociétés de biotechnologie et grandes entreprises pharmaceutiques.

Le défi industriel, qui implique de gagner en compétitivité pour relocaliser une partie de la production de principes actifs et de produits matures en Europe, mais aussi en attractivité pour attirer sur notre territoire la fabrication des médicaments de demain, face à nos concurrents allemands ou britanniques.

Le défi de l’accès aux médicaments, qui passe par une évaluation lisible et prévisible, des délais d’accès compétitifs et enfin le retour d’une croissance qui fait défaut à notre pays depuis bientôt dix ans. Nous ne voudrions pas faire l’expérience, demain, de patients français privés de solutions thérapeutiques qui seraient accessibles chez nos voisins européens.

Actrices de sortie de crise, engagées au travers de la recherche et de l’innovation, de l’investissement industriel et scientifique, de l’emploi et de la formation, les entreprises du médicament présentes en France entendent prendre toute leur part dans cet effort de mobilisation.

 

Frédéric Collet

Président du Leem, Les Entreprises du Médicament