Tribune de Thierry Hulot : "Santé publique, prévenir plutôt que guérir"
Cette année plus que jamais, les Rencontres économiques d’Aix-en-Provence sont le lieu pour échanger et identifier tous ensemble des solutions pour surmonter les fractures qui divisent le monde, telles que les inégalités économiques, les tensions géopolitiques et les crises environnementales. C'est ce que nous avons fait lors de la table ronde « Santé publique, prévenir plutôt que guérir», avec Thibault Desmarest -GSK, Sophie Ferreira Le Morvan - April, Maud Mercier - WTW, Signe Riisalo - Ministre de la protection sociale en Estonie, et Pierre-Yves Geoffard – Ecole Economique de Paris et animé par Mireille Winberg – Capital.
La santé ne se résume pas aux soins. Être en bonne santé, c’est d’ailleurs, quelque part, ne pas avoir besoin de soins. Nous militons, en tant qu’entreprises du médicament dont l’ADN est de soigner, pour que la prévention permette de retarder le plus possible la maladie. En France, la prévention ne représente en moyenne que 2 % de la dépense totale de soins (nos voisins britanniques y consacraient déjà 5 % de leur dépense avant le Covid). Pourtant, c’est un pilier fondamental de la santé publique et il concerne directement nos modes de vie, que ce soit dans la sphère privée ou professionnelle.
Cessons de craindre d’investir dans la prévention ! C’est un enjeu sanitaire et économique. Chaque euro placé dans la prévention permet de réaliser des économies considérables sur les dépenses de santé à long-terme. Une étude récente montre que les programmes de vaccination pour adultes ont des bénéfices économiques jusqu'à 19 fois supérieurs à leur investissement initial[1]. Les vaccins contre la COVID-19 ont sauvé au moins 1,4 million de vies dans la Région européenne[2].
Malheureusement, nous avons en France deux freins qui persistent.
· Le premier, c’est l’absence de culture de la prévention. Un sondage Odoxa pour Ramsay Santé[3] réalisé en 2022 montre que plus de 9 Français sur 10 pensent que la prévention est importante, voire prioritaire, dans la politique santé de leur pays. 6 sur 10 estiment qu’elle est même plus efficace que le soin pour avoir une population en bonne santé. Et pourtant, 67 % des Français ne font pas correctement les dépistages des cancers et des AVC. La proportion de filles nées en 2011 ayant reçu au moins une dose de vaccin anti-HPV était "estimée à 55%" fin 2023 (41 % pour les garçons), alors que l’objectif fixé est de 80 %... Cela souligne l’ampleur de ce que nous avons encore à faire en termes d’éducation et de sensibilisation.
· Le deuxième obstacle est celui du financement. Nous appelons les politiques de demain à intégrer la prévention dans les politiques de santé et à libérer un budget pour la financer. La maladie ne s’arrête pas au 31 décembre, il faut avoir dans la LFSS une part de budget dédié à des actions de santé publique qui auront un impact plus tard… Chaque année, les discussions autour de cette loi se transforment en « comment boucler le budget à court terme » et nous ne mettons pas les fonds nécessaires dans la Prevention. Si nous voulons préserver notre système de santé, une approche pluriannuelle qui intègre vraiment la prévention est plus que jamais indispensable.
Que faisons-nous, entreprises du médicament, pour la prévention ?
- Prévenir c’est innover en mettant au point de nouveaux traitements (dont les vaccins) qui empêchent l’arrivée de la maladie ou sa récidive. Le médicament contribue au parcours de prévention et nous entreprises du médicament sommes mobilisées pour innover. Quelques exemples : entre 2001 et 2020, les vaccins ont permis d'éviter environ 20 millions de décès, 500 millions de cas de maladie et 9 millions de cas d'invalidité de longue durée dans le monde[4]. Le VIH : grâce à des thérapies efficaces, le nombre de décès dus au sida dans le monde a diminué de plus de moitié au cours des 20 dernières années[5].
- Prévenir, c’est s’assurer que le traitement soit suivi jusqu’à son terme (bonne observance) pour prévenir les rechutes. Pour nous entreprises du médicament cela nécessite de lutter contre les pénuries et nous sommes totalement mobilisé sur ce sujet.
- Prévenir, c’est s’assurer que l’on ne prend pas de médicaments qui ne sont pas/plus nécessaires. Nous savons qu’au-delà de 5 molécules prises simultanément, le risque d’interaction médicamenteuse augmente considérablement. Le Leem a donc mené cette année une campagne de sensibilisation d’envergure autour du bon usage sur la polymédication du sujet âgé.
Ayons le courage de mettre la prévention au cœur de notre système de santé. Les entreprises du Médicaments seront au rendez-vous.
[2] https://www.who.int/europe/fr/news/item/16-01-2024-statement---covid-19-vaccines-saved-at-least-1.4-million-lives-in-the-european-region